Quatre mesures pour sortir la zone euro de la crise
Cette mutualisation d’une partie de nos dettes nationales permettrait aux pays qui n’arrivent plus à se financer à des taux normaux, comme la Grèce et l’Irlande aujourd’hui mais peut être aussi d’autres demain, de bénéficier d’un taux d’intérêt beaucoup plus faible sur une partie de leur dette. Mais sur la partie restante, purement nationale celle-là, les écarts de taux resteraient, ce qui n’est pas illégitime puisqu’ils reflètent en partie les différences de situation macroéconomique et ce qui les incitera à ne pas laisser déraper le niveau de leur endettement.
L’Allemagne puis la France ont refusé la semaine dernière cette option alors qu’elle est essentielle pour sortir de la situation actuelle, où les marchés jouent contre les Etats les uns après les autres.
Deuxièmement, la création d’un véritable gouvernement économique européen, selon la terminologie française, ou d’un élargissement de la coopération macroéconomique, selon la terminologie de la Commission européenne. Depuis l’entrée en vigueur de la zone euro, nos économies divergent. L’Allemagne bénéficie de l’euro pour accroître ses exportations avec une monnaie plus faible que si elle avait le seul deutschemark et ne redistribue pas les gains de productivité à ses salariés, ce qui limite sa consommation intérieure et donc l’effet d’entraînement sur le reste de la zone.
A l’inverse, la Grèce et le Portugal utilisaient l’euro comme un parapluie qui leur permettait de s’endetter à des taux d’intérêt très faibles, puisque fixés en lien avec la moyenne de l’inflation de l’économie de la zone, alors que leur propre taux d’inflation était plus élevé.
Or, jusqu’à présent en Europe, aucune autorité n’a le pouvoir de forcer, ni même d’inciter, chaque Etat à mettre en place des politiques visant à réduire ces déséquilibres. C’est tout l’enjeu de l’une des directives proposées par la Commission européenne en septembre et qui vise justement à élargir la gouvernance économique à d’autres questions que celles des finances publiques. Ce texte est en négociation entre le Parlement européen et le Conseil. Il doit aboutir à doter l’Europe d’un pouvoir d’orientation des politiques nationales sur ces sujets. Car on ne peut pas avoir structurellement une même monnaie et des économies divergentes.
Troisièmement, la création d’un véritable budget européen financé par des ressources propres. Le budget européen est aujourd’hui limité à 1 % du PIB. Les transferts financiers des zones riches de l’Union vers les zones pauvres, au travers des fonds structurels, représentent moins de 40 milliards d’euros pour toute l’Union. Rien à voir donc avec les solidarités budgétaires qui existent au niveau national. Ce budget européen additionnel, qui permettrait par exemple à l’UE de financer les investissements verts nécessaires à la conversion écologique de l’économie dans les zones qui n’en n’ont pas les moyens, devrait être financé sur des ressources propres assises sur les facteurs économiques mobiles qui ne sont pas ou plus assez taxés au niveau national.
Nous avons montré dans une étude récente qu’une taxe européenne sur les transactions financières de 0,05 % pourrait rapporter jusqu’à 190 milliards d’euros par an. En mettant en place une telle taxe dont une partie importante pourrait aller au budget européen, comme en mettant fin à l’absurde concurrence fiscale entre nous dont les seuls bénéficiaires sont les multinationales, l’Europe démontrerait aux peuples sa réelle plus-value : faire ensemble ce que chacun d’entre nous ne peut pas faire seul. Il est donc urgent que la Commission fasse une proposition législative concrète comme une majorité du Parlement européen le demande.
Quatrièmement, limiter les possibilités de spéculation sur les dettes souveraines. Les marchés financiers qui sont responsables des déséquilibres au sein de la zone euro. Mais ils disposent d’outils pour allumer le feu et en tirer bénéfice. Ainsi, il est aujourd’hui possible d’acheter un credit default swap (CDS) sur l’Irlande ou la Grèce, qui est un produit financier qui assure l’acheteur contre le risque de faillite d’un Etat, sans posséder d’obligations irlandaises ou grecques. Des fonds spéculatifs (hedge funds) ne se gênent pas pour acheter des CDS, donc à en faire monter le prix, ce qui en retour fait penser aux vrais détenteurs d’obligations qu’ils doivent se couvrir contre un risque accru… en achetant des CDS.
Les fonds spéculatifs peuvent alors revendre leurs CDS avec une belle plus-value en ayant fait augmenter le taux d’intérêt auquel l’Etat se finance et donc en ayant aggravé les problèmes… Ce mécanisme doit être interdit, et une négociation est en cours pour le faire entre l’ensemble des gouvernements et le Parlement européen. Mais, au sein des Etats, seule l’Allemagne y est pour l’instant favorable !
Le chemin pour sortir de la crise de la zone euro existe. Mais il implique de sortir tout à la fois des crispations nationalistes et des dogmes néolibéraux. La France et l’Allemagne ont une responsabilité majeure. Nos dirigeants actuels seront-ils à la hauteur ?
Pascal Canfin, Dany Cohn-Bendit, Sven Giegold, députés européens du groupe des Verts/ALE, Gerhard Schick, député et porte-parole des Verts au Bundestag
– Tribune parue le 17 décembre dans le journal Le Monde
2 commentaires
On serait écroulé de rire devant les solutions avancées pour combattre la crise que certains verts ou socialistes ont permise
en faisant approuver Mastricht et Lisbonne:libre circulation des capitaux,pas de frontières à l’Europe grâce à la concurrence libre et non faussée,recours aux banques pour les dettes souveraines et non à la BCE,austérité pour les salariés ce qui permet l’accumulation de l’argent chez les « rentiers « pour spéculer,fonds de pension pour les retraites ,dénationalisations,destruction de nos entreprises comme EDF…ETC et comble de la fumisterie,proposer une garantie-solidarité de la BCE pour les emprunts souverains…Là le résultat a déjà dépassé les attentes :il vaut mieux prêter aux états qui auront des difficultés car les taux seront plus élevés qu’aux etats dits « vertueux »,d’ailleurs l’Allemagne ,admiration de tous nos économistes-socialisto-écolo-Sarkosystes a eu beaucoup de peine à couvrir son dernier emprunt alors que celui de la Grèce a été une réussite:normal ça rapporte plus en Grèce et c’est garanti!!!!!On serait écroulé de rire si notre industrie ne s’était pas envolée avec le chômage ,si notre école notre système de santé,n’étaient pas en voie de destruction..Franchement Mr Cohn-Bendit était meilleur manifestant professionnel en 68 que député en 2010
Ces mesures sont interessantes à analyser mais je doute que sur la pratique on y arrive. Oui pour la création d’un gouvernement économique, c’est en cours de route, en ce qui concerne la question des obligations européennes ou encore la question d’un budget réel propre à l’Union Européenne c’est bien beau mais trop beau!!!! Comment voulez-vous convaincre des politiques surtout dans des Etats dirigés par des libéraux d’adopter de tels dispositifs? Taxer les marchés financiers, c’est une bonne idée, mais bon, vous savez comment sont les marchés financiers, si on vient leur faire bobo de quelques milliards, ils vont s’affoler!!!!
Si eelv accède au pouvoir et qu’on change de tête aussi en Allemagne, on pourra peut-être faire changer les choses, rappelez-vous que c’est la France qui a fait naître d’une certaine façon l’Europe,et quand la France parle, elle doit s’imposer comme le fait en ce moment l’Allemagne!!!!!
Pour élaborer un budget propre à l’Europe, je ne vois pas d’autres alternatives que la taxation des marchés financiers,en effet, on ne peut pas demander aux citoyens européens de payer alors qu’ils payent déjà pour la crise et qu’ils se défient de l’Europe!!!!
Quant aux obligations européennes, on voit que la solidarité existe pour protéger ses intérêts!
En ce qui concerne les CDS, laissons tomber! C’est comme demander à une divinité de montrer qu’elle existe!