Une aide alimentaire conservée mais pas tout à fait sauvée
Le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) est l’une des rares politiques sociales mises en œuvre directement au niveau européen. Il est né après l’hiver 1986-1987, particulièrement rigoureux, afin d’implémenter des mesures de distribution gratuite de nourriture aux personnes les plus démunies. Il s’agissait alors d’utiliser à bon escient une partie des surplus européens de céréales, de lait, de beurre et de viande. Mais à la suite des réformes successives de la Politique agricole commune (PAC), les surplus ont progressivement baissé. L’Union européenne les a donc remplacés par une enveloppe financière qui ne représente que 1 % du budget de la politique agricole. Ces 500 millions d’euros sont attribués aux Etats-membres de l’UE qui les répartissent entre les associations distributrices. On parle d’un euro par an et par habitant de l’UE. Pourtant, en 2011, une décision de la Cour de Justice est venue remettre en cause ce programme, considérant qu’il s’agissait d’une politique sociale et non plus d’une réaffectation des surplus agricoles.
Une victoire pour six Etats-membres, en tête desquels l’Allemagne, le Danemark ou la Suède, qui refusaient de prolonger ce programme au prétexte que ce n’est pas le rôle du budget agricole de venir en aide aux plus pauvres de nos concitoyens. En vérité, ils contestent le fait même que l’UE mette en œuvre une politique sociale, au nom du sacro-saint principe de subsidiarité. Pourtant, dans la stratégie de l’Union européenne pour la décennie 2010-2020 (on l’appelle la « stratégie 20-20 »), l’UE s’engage sur des objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté. C’est donc bien une question de solidarité entre les peuples européens, qui est un fondement de la construction européenne, qui est en jeu. Il s’agit dès lors de bien vouloir modifier la base juridique du PEAD pour passer de l’agriculture au social… mais pas à n’importe quelles conditions !
350 millions d’euros : une goutte d’eau
Le 24 octobre 2012, nouveau rebondissement : le commissaire aux Affaires sociales, László Andor, a présenté la création d’un nouveau « fonds européen d’aide aux plus démunis », doté de 2,5 milliards d’euros pour la période 2014-2020, soit un peu plus de 350 millions par an. « Ce nouveau fonds est un soulagement, estime Karima Delli, eurodéputée EELV, membre de la commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen. Toutefois, son montant est bien inférieur aux 500 millions d’euros par an dont bénéficiait jusqu’alors l’aide alimentaire dans le financement de la Politique agricole commune… » Une goutte d’eau devant la détresse des plus vulnérables, ces 350 millions d’euros devront également permettre d’apporter un soutien matériel aux sans-abris et aux enfants les plus défavorisés et donc apporter, en plus de l’aide alimentaire, des vêtements et des biens de première nécessité.
Autre source d’inquiétude : l’attribution de ce budget aux associations. Ce nouveau fonds ne viendra plus directement en aide aux associations, mais transitera par les Etats-membres qui devront apporter un cofinancement de 15 % dans le cadre de leurs politiques d’aide non-financière aux plus démunis. Il est à craindre qu’en cette période d’austérité budgétaire, la plupart d’entre eux renoncent purement et simplement à cette priorité. En outre, les associations bénéficiaires seront sélectionnées selon des critères non-encore précisés, et auront l’obligation de mettre en place des politiques d’activation et d’aide à l’insertion, ce qui devrait normalement être le rôle de la collectivité.
Et le Fonds social européen ?
Pour progresser vers l’objectif européen de sortir 20 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2020, la Commission européenne invite les Etats-membres à utiliser pleinement les possibilités offertes par le fléchage de 20 % du Fonds social européen en faveur de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Les deux fonds devront concourir à soutenir concrètement, au plus près du terrain, les initiatives d’accès des plus démunis à une nourriture saine et de qualité à l’image des actions développées par l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES) ou comme les paniers solidaires dans les centres sociaux au cœur des quartiers établissant ainsi un lien direct entre paysans et citoyens. Pour José Bové, eurodéputé EELV, « c’est un véritable pacte de solidarité qui doit être scellé entre les agriculteurs, les industriels et les distributeurs d’une part, les collectivités locales, les associations d’aide aux plus démunis et l’Etat d’autre part, pour utiliser au mieux les fonds européens disponibles. »