Budget pluriannuel : quelques avancées et des occasions manquées
Les institutions de l’UE ont trouvé cette semaine un accord sur le cadre financier pluriannuel, le plan de relance, les ressources propres, et sur la conditionnalité État de droit. Pour David CORMAND, malgré des progrès pour le climat et la biodiversité, et un grand pas en avant pour la solidarité européenne, ce budget reste large insuffisant.
Le mardi 10 novembre, à l’issue d’une énième réunion de négociation, le Parlement, le Conseil et la Commission européenne ont trouvé un accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP), le plan de relance, les ressources propres et la conditionnalité « Etat de droit » : c’est-à-dire le cadre budgétaire de l’UE pour les sept années à venir.
Cet accord est l’aboutissement de longues négociations autour du budget européen et du plan de relance, rendu nécessaire par la crise déclenchée par l’épidémie de covid-19. Il était nécessaire, face à la crise économique, que l’Union européenne soit solidaire, aide les populations les plus victimes de la maladie et des difficultés sociales générées.
Voici la réaction de David Cormand en séance plénière du Parlement:
Une solidarité nécessaire, des montants insuffisants
L’urgence était de débloquer des fonds pour faire preuve de solidarité. Le Parlement européen, notamment à la demande des Verts, avait demandé un budget pluriannuel de 1 324 milliards d’euros et un plan de relance de 2 000 milliards d’euros, dont au moins la moitié en subventions. Ces demandes, partagées par la majorité des groupes politiques, étaient motivées par la gravité de la crise économique, la nécessité d’être solidaire face à une épidémie qui affectait toute l’Europe, l’importance de relancer des investissements dans la recherche et la santé, et de réparer nos économies. L’accord trouvé permettra à la Commission européenne d’emprunter sur les marchés pour financer la relance : cette dette commune est une première, et pas en avant pour la solidarité européenne.
Malheureusement, les montants finalement trouvés ne sont pas à la hauteur, et d’autant moins maintenant que la deuxième vague épidémique frappe l’Europe et qu’on sait qu’il y en aura d’autres. Avec un CFP de seulement 1 074 milliards d’euros (auxquels s’ajoutent 12 milliards de « top-ups » arrachées par le Parlement), et un plan de relance 750 milliards d’euros, dont seulement 390 en subventions, les Etats membres ont joué petit bras. Le pas en avant que représente le plan de relance ne va malheureusement pas assez loin.
La détermination des écologistes et d’une partie du Parlement européen a permis d’obtenir des augmentations pour le programme Erasmus, pour la recherche et la santé.
Un budget pour l’environnement
Pour les Verts, il était essentiel éviter une relance « brune », qui relance les activités polluantes et une économie qui marche sur la tête. Au contraire, il était nécessaire d’avoir une relance verte, pour investir dans l’économie de demain : les réductions d’énergie, les énergies renouvelables, la relocalisation de la production, la solidarité, le soin, la protection de la nature. Ainsi, c’est au moins 30 % du budget qui doit être dépensé dans la lutte contre le changement climatique. Grâce aux écologistes, il faudra aussi dépenser, dès 2026, 10 % en faveur de la biodiversité.
Il était aussi très important de prendre en compte les inégalités de genre qui pouvait être aggravées ou au contraire atténuées par la relance, et le Parlement a aussi obtenu qu’il y ait un suivi de la dimension genrée des dépenses.
Insuffisant sur les ressources propres
C’était une des priorités des écologistes et de David Cormand : l’obtention de nouvelles ressources propres pour alimenter le budget de l’Union. Aujourd’hui l’Union européenne est dépendante des montants que les Etats-membres acceptent de lui reverser, ce qui leur donne un pouvoir un pouvoir démesuré à la fois sur le volume et les dépenses. Les ressources propres, ce sont les revenus qui reviennent de droit à l’UE, sans transiter par les Etats. Elles peuvent permettre d’augmenter les moyens de l’Union tout en diminuant les contributions des Etats et donc leur libérer aussi des marges de manœuvre budgétaire. Ces ressources propres peuvent aussi être des impôts justes et vertueux : taxe sur les transactions financières, taxe carbone aux frontières, taxes sur les géants du numérique… aujourd’hui tous ces secteurs échappent à l’impôt car les Etats ne sont pas capables de les décider seuls.
L’accord prévoit donc l’introduction de nouvelles ressources :
- Dès 2021 : une taxe sur le plastique non-recyclé ;
- Dès 2023 : une taxe carbone aux frontières ; une taxe sur les services numériques ; un mécanisme d’échange des quotas d’émission carbone ;
- Et en 2026… peut-être une taxe sur les transactions financières ?!, selon le résultat des négociations en « coopération renforcée »…
Mais la taxe sur la transactions financières était importante : elle est techniquement applicable rapidement, elle fait payer les spéculateurs, et selon son assiette elle pourrait dégager des revenus très importants… jusqu’à 57 milliards d’euros par an ! C’est l’outil idéal pour prendre en charge le remboursement de l’endettement commun. En repoussant sa mise en œuvre au-delà du mandat actuel, le Conseil et la Commission envoient un très mauvais signal. Les écologistes continueront à l’introduction de la taxe sur les transactions financières, dès 2024, avec une assiette qui comprend les produits dérivés.
Les Verts demandaient aussi une taxe kérosène ainsi qu’un impôt européen sur la fortune, qui ont été malheureusement rejetés par les autres groupes politiques.
Enfin, l’accord prévoit aussi des rabais concédés à certains Etats, faisant ainsi diminuer leur contribution. Cela est un coup de pouce juste injuste à des pays radins. L’accord entérine aussi une augmentation des droits de collecte, c’est-à-dire de la part des revenus des douanes que les pays gardent pour eux, au titre de leurs « frais », au détriment, une nouvelle fois, du budget communautaire. Les Verts et le Parlement demandaient évidemment une suppression des rabais et une réduction des droits de collecte… Ces augmentations sont le symptôme d’une Europe prise au piège des égoïsmes nationaux et qui a besoins des ressources propres pour s’en sortir.
Un outil pour tenter de protéger l’État de droit
Enfin, la Commission et le Parlement souhaitaient pouvoir conditionner le versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales : l’Union européenne ne peut pas tolérer des dérives anti-démocratiques en son sein, ni subventionner des régimes sur la voie de l’autoritarisme ! L’accord trouvé avec le Conseil permettra de déclencher des procédures lorsque l’Etat de droit est violé ou menacé dans des Etats, tout en protégeant les bénéficiaires finaux. Malheureusement, le mécanisme reste très dépendant des équilibres politiques, et il sera toujours difficile d’obtenir l’arrêt du versement, même quand les violations sont avérées.
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