Tribune : « Ne fermons pas les yeux face aux crimes contre la biodiversité »

14 janvier 2014
Les conséquences du braconnage et du commerce illégal d’espèces sauvages vont bien au-delà d’une atteinte à l’environnement. Elles touchent la sécurité, la gouvernance ainsi que l’intégrité de nombreux Etats et populations. Alors qu’une résolution a été votée le 15 janvier 2014 au Parlement européen de Strasbourg, l’eurodéputée Sandrine Bélier propose de renforcer la législation européenne dans une tribune publiée sur le site Slate.fr.
La criminalité environnementale est un problème international grave et croissant. Le trafic illégal de la faune et de la flore, de poisson, de bois de construction et autres produits à base de plantes est reconnu comme le quatrième plus grand commerce illégal mondial derrière les drogues illicites, le trafic d’êtres humains et le commerce des armes. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) et Interpol évaluent la criminalité liée au trafic sur la faune sauvage entre 18 et 26 milliards d’euros.

Presque deux tiers des éléphants de forêt de l’Afrique centrale ont été tués entre 2002 et 2012 pour leurs ivoires destinés aux marchés illégaux internationaux, prenant le chemin du destin des rhinocéros d’Afrique centrale dont le dernier a été tué par des braconniers pour sa corne en 2011. La tuerie des centaines d’éléphants au parc national de Bouba N’Djida au Cameroun en début 2012 par des bandes lourdement armées venues du Soudan en traversant la République centrafricaine et le Tchad, illustre à suffisance une situation dramatique.

Des produits comme la corne de rhinocéros et la bile d’ours valent parfois plus que l’or ou la cocaïne, avec un retour sur investissement pouvant largement dépasser 1.000%. Rien d’étonnant alors, qu’au cours des dernières décennies, on ait vu les gangs organisés et les réseaux criminels devenir de plus en plus agressifs dans leur quête de produits de la nature. C’est business-as-usual pour les pirates de la biodiversité mondiale. Le récent retour de la flotte de l’ONG Sea Sheperd à la poursuite des baleiniers japonais atteste encore que les scènes de crimes ne sont pas près de s’arrêter. Peaux d’ours polaire, plumes d’oiseaux, ailerons de requins, coraux et carapaces de tortues… aucune espèce n’est vraiment épargnée.

Et aujourd’hui, on peut affirmer que les conséquences du braconnage et du commerce illégal d’espèces sauvages vont bien au-delà de la destruction de la biodiversité. Elles touchent la sécurité, la gouvernance ainsi que l’intégrité de nombreux Etats et populations. Plusieurs études indiquent que ces activités permettent d’alimenter le crime organisé dans le monde entier, qu’elles participent au blanchiment d’argent, à la corruption, à l’achat d’armes de guerre et au fonctionnement de groupes rebelles, voire terroristes.

En septembre 2013, le rapport «La nature du crime: répercussions du commerce illicite d’espèces sauvages sur la sécurité mondiale», publié par le Fond international pour la protection des animaux (IFAW) dénonçait les conséquences de l’intensification des pratiques de braconnage sur la sécurité à l’échelle mondiale. Un trafic qui aurait déjà fait plus de 1.000 morts parmi les éco-gardes chargés de la protection des animaux sauvages avec des répercussions sur les populations locales et des régions entières.

Ce commerce illégal est donc aujourd’hui en passe de devenir, rien de moins qu’une menace sérieuse pour la paix et la sécurité. Si l’atteinte à l’environnement et la perte de la biodiversité n’étaient pas suffisante à émouvoir les citoyens et la communauté internationale. En ce début d’année 2014, les choses pourraient bien enfin changer.

Rappelons pourtant qu’Interpol demandait déjà en 2010 aux forces de police du monde entier de lutter contre les atteintes à l’environnement. En avril 2013, c’est dans le cadre de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à Vienne que les responsables de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) exhortaient les pays de la communauté internationale à reconnaître la criminalité liée aux espèces sauvages comme une forme grave de criminalité organisée, à renforcer leurs législations et l’application des sanctions contre les associations et réseaux criminels qui tirent profit de ce commerce illégal.

Pour lutter efficacement contre cette menace mondiale, la situation réclame des mesures et de gros efforts pour pallier des lois inadaptées, le manque de mesures répressives, l’émergence de marchés en ligne, l’apparition d’un commerce légal d’espèces sauvages et la nécessité d’incorporer des stratégies anticorruption aux législations et aux politiques environnementales. C’est un problème international qui lie les pays d’origine, de transit, et de consommation et qui nécessite d’agir de façon coordonnée. Le territoire européen étant la première zone de transit et de destination de ce trafic, le Parlement européen a pris la mesure de l’enjeu et de la responsabilité de l’Union européenne à y apporter des réponses.

C’est l’objet de la résolution qui sera discutée et votée cette semaine en plénière. Une interpellation politique des parlementaires européens à la Commission et au Conseil à un renforcement de la législation européenne et l’engagement d’Europol pour pallier au défaut de cohérence des législations et sanctions pénales dans les Etats membres. En attendant l’adoption d’une nouvelle réglementation pour mettre fin à l’Ecocide comme le demandent les Européens qui ont lancé une initiative citoyenne européenne en ce sens.

– Une tribune à lire sur le site de Slate.fr : Ne fermons pas les yeux face aux crimes contre la biodiversité

– Lire le communiqué de presse de Sandrine Bélier suite au vote de la résolution le 15 janvier 2014

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