La croissance verte n’est pas un but en soi
Le recours à la technologie et aux grands travaux est le grand axe directeur de cette nouvelle approche. Un non-sens ? Il faut bien sûr encourager une révolution technologique verte pour inventer des produits écoconçus, entièrement recyclables, économes en énergies. Mais il ne faut pas s’en tenir à l’aspect technologique, sinon cette révolution se heurtera à ce que les économistes appellent l’effet rebond : on aura des voitures plus sobres, mais s’il y a toujours plus de voitures qui parcourent toujours plus de kilomètres, on ne réduira pas les émissions globales de gaz à effet de serre. C’est l’Agence internationale de l’énergie elle-même qui le dit : pour diviser nos émissions de gaz à effet de serre par quatre d’ici à 2050, ce qui est la préconisation minimale des scientifiques du Giec pour les pays riches, la moitié du chemin peut être fait grâce à la technologie, mais l’autre moitié implique une modification de nos comportements, et une mise à distance de notre société de l’hyperconsommation. Cette partie, qui est la partie la plus radicale de l’écologie, est totalement absente des raisonnements sur la croissance verte.
Peut-on même encore parler de « croissance verte » au regard du plan de relance de l’économie présenté par Nicolas Sarkozy ? Le Grenelle de l’environnement, avec 400 milliards d’euros d’investissements sur les prochaines décennies environ, aurait pu constituer un cadre minimal pour la « relance verte » de l’économie. Le président avait l’occasion de s’appuyer sur ce socle, il aurait pu décréter l’urgence sur l’application des mesures du Grenelle. Mais la majeure partie du plan de relance, c’est la relance classique des traditionnels secteurs porteurs de notre économie : le bâtiment, les routes et l’automobile. Le plan Sarkozy est même par endroits en totale contradiction avec les mesures récemment annoncées par le Grenelle. Par exemple, lorsqu’il renoue avec le programme autoroutier ou avec l’affaiblissement de la réglementation contraignant les constructeurs de grands équipements à procéder à de vraies études d’impacts préliminaires sur l’environnement. Au nom de l’urgence économique, on va donner des passe-droits aux « bétonneurs ». Cela montre à quel point ce gouvernement ne croit pas à l’urgence d’une révolution écologique de la société ! L’adoption des premières lois Grenelle est repoussée en permanence, et Sarkozy nous démontre qu’il n’a pas changé de perspective. Il ne s’est même pas converti à cette croissance verte minimaliste. On est vraiment loin de la rupture !
Propos recueillis par Patrick Piro
Pascal Canfin est notamment auteur de l’Économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas », édition Les petits matins, 2007.