Les spéculateurs ne doivent plus jouer avec les prix de notre alimentation et de l’énergie et avec nos vies
Ces dernières années, les prix de l’alimentation et de l’énergie ont flambé. À travers l’Union européenne, des millions de gens ont du mal à se chauffer et à se nourrir. Aujourd’hui, plus de 36 millions d’Européennes et d’Européens ne peuvent se permettre de manger un repas complet qu’un jour sur deux et entre 50 et 125 millions d’entre elles et eux n’ont pas les moyens de se chauffer correctement.
Depuis le début de l’agression de l’Ukraine par la Russie, la situation ne fait qu’empirer. En janvier 2022, le blé valait déjà 475$ la tonne, contre 275$ l’année d’avant. En 2021, les prix de gros de l’électricité ont augmenté de 200 %, plongeant des milliers de personnes dans la précarité énergétique. En mai 2022, l’inflation atteignait 7,5 % sur les produits alimentaires.
Les conséquences de l’explosion des prix sont dévastatrices. À chaque fois que les prix de l’alimentation augmentent de 1%, 10 millions de personnes dans le monde tombent dans la pauvreté. Nous devons attaquer cette hausse des prix à sa racine. À travers l’Europe, des ménages signalent quotidiennement des hausses du coût de la vie et de nombreuses personnes en ressentent les effets. La flambée des prix de l’alimentation a également des conséquences mortelles dans les pays en développement où de nombreuses personnes avaient déjà du mal à subvenir à leurs besoins vitaux.
Dans cet article, nous voulons mettre en lumière les différents facteurs qui jouent un rôle dans l’augmentation des prix de l’alimentation. Les prix augmentent, mais où va l’argent ? Qui en profite ? Qu’est-ce que la spéculation sur l’alimentation et comment entraine-elle l’augmentation des prix des denrées alimentaires de base comme le blé ? Et que pouvons-nous faire pour lutter contre ce phénomène ?
Pourquoi la baisse des exportations de denrées alimentaires et d’engrais entrainent de l’inflation ?
Une des conséquences de la guerre en Ukraine a été la baisse de la production et de l’exportation de denrées alimentaires et d’engrais dans les pays concernés (Ukraine, Russie et Bélarusse). Les effets de la guerre ont été particulièrement importants pour la production alimentaire car ces pays produisent une grande partie des denrées que nous consommons dans nos pays (voir notre article sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur notre système alimentaire).
En conséquence, l’inflation sur les produits alimentaires a augmenté : moins on produit de denrées alimentaires, plus les prix augmentent. Cependant, ces augmentations considérables ne sont pas seulement dues à une question d’offre et de demande. La situation est exacerbée par les investisseurs qui jouent à la roulette avec notre nourriture.
Comment les spéculateurs sur les marchés financiers font monter les prix des denrées alimentaires
La spéculation sur les denrées alimentaires fait augmenter les prix de l’alimentation. Les spéculateurs parient sur les prix de l’alimentation en achetant les contrats à venir des agriculteurs. Bien sûr, ils ne veulent pas réellement acheter la nourriture. Ils parient que les prix vont augmenter et qu’ils pourront revendre le contrat et se faire de l’argent facile. Dans des situations de crise et d’instabilité des marchés, comme aujourd’hui avec la guerre de Poutine en Ukraine, ce sont des profiteurs de guerre.
En effet, juste après le début de la crise, la spéculation sur les denrées alimentaires a atteint un pic. Et le pari a payé. Les spéculateurs spécialisés dans le marché des denrées alimentaires comme Teucrium Wheat Fun ont fait des profits sans précédent et ont vu leur actions atteindre des montants records.
Cependant, que les spéculateurs parient sur notre alimentation rend les marchés alimentaires très volatiles. Il jouent avec le principe même de l’offre et de la demande, ce qui peut perturber un marché équitable et entrainer une augmentation forte augmentation des prix de l’alimentation.
Instabilité sociale – la spéculation sur les denrées alimentaires a déjà entraîné des émeutes et des révolutions
Bien que la spéculation sur les denrées alimentaires s’est accélérée après le début de la guerre, ce n’est pas un phénomène nouveau.
La spéculation était déjà au cœur de la crise financière de 2007, ce qui a entraîné une crise alimentaire l’année qui a suivi. Les experts considèrent que c’est une des causes principales des révoltes du Printemps arabe dans les pays d’Afrique du nord et du Moyen-orient. Suite à cela, en 2009, les pays du G7 (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis) et l’Union européenne se sont engagés à mettre fin à la spéculation alimentaire. Depuis, les législateurs ont adopté des règles comme la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFid) dans l’Union européenne ou le « Dodd-Franck Act » aux États-Unis.
Mais cela n’a pas arrêté la spéculation sur les denrées alimentaires. En fait, la part des spéculateurs dans le marché a augmenté depuis 2020 en particulier sur des denrées essentielles dont de nombreux pays dépendent comme le blé. De la même manière, des études récentes montrent que le commerce du gaz sur les marchés financiers est 114 fois plus élevé que la consommation réelle de gaz.
Pour la sécurité alimentaire et la stabilité – l’Union européenne a besoin de règles plus sévères pour lutter contre la spéculation sur les marchés alimentaires
La loi européenne pour réguler la spéculation sur les marchés est la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFid) et elle va être révisée. C’est une opportunité unique de s’attaquer à la spéculation sur l’alimentation et l’énergie une fois pour toute. Pourtant, les nouvelles règles proposées par la Commission européenne sont encore trop laxistes pour ralentir la spéculation excessive sur les produits vitaux comme l’alimentation et l’énergie. Les règles de l’Union européenne sont même moins strictes que les règles qui s’appliquent aux États-Unis. Il est étonnant que, jusqu’ici, la Commission européenne n’ait pas pris le temps d’étudier précisément le rôle de la spéculation dans l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie.
Si elle veut sérieusement s’attaquer à la spéculation, l’Union européenne doit faire deux choses : 1. limiter de manière stricte la possibilité pour les tradeurs de spéculer sur les produits alimentaires et sur l’énergie ; 2. réparer les failles du cadre réglementaire. Les spéculateurs utiliseront toutes les failles existantes pour contrevenir aux règles et faire du profit aux dépends des plus pauvres.
Lutter contre la spéculation alimentaire et la pénurie alimentaire – des solutions pour stabiliser les prix de l’alimentation
Nous pouvons encore faire les changements nécessaires et sauver des milliers de vies. Le groupe Verts/ALE demande à la Commission européenne et aux agences spécialisées de l’Union européenne (comme l’Autorité européenne des marchés financiers) d’analyser finement l’impact de la spéculation sur l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie.
Nous demandons également aux institutions européennes d’enquêter sur les comportements inappropriés des tradeurs qui font délibérément monter les prix pour faire plus de profits.
Le groupe Verts/ALE est en pointe dans la lutte contre ceux qui profitent de la famine et de la guerre. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que la spéculation sur les denrées alimentaires et sur l’énergie ne soit plus possible. Il n’y a pas de temps à perdre.
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