Pour une politique de l’accueil et un droit d’asile effectif
Après avoir constaté de nombreuses irrégularités lors de visites surprises à la Gare et à la Police aux Frontières de Menton, des élus et des citoyens dont Michèle RIVASI appellent à refuser la loi « Asile et immigration » débattue à l’Assemblée. Une tribune publiée par Libération.
Alors que la loi «Asile et Immigration» s’apprête à être votée à l’Assemblée Nationale, nous exprimons notre indignation devant un projet inutile et répressif. Si certains avaient pu croire à la bonne volonté de M. Macron pour l’élaboration d’une politique digne des aspirations de la France, qu’ils admirent désormais les dérapages successifs d’un gouvernement multiplement condamné par l’ONU, le Conseil d’Etat ou le Défenseur des Droits, et qui continue de nous faire croire que des criminels se cachent parmi toutes les personnes solidaires répondant humainement à la misère et à la détresse. Qu’ils admirent le Président qui déclare que certains citoyens font «le jeu des passeurs» et «que tout se passe dans l’humanité et le droit». Quel droit? Alors même qu’à Menton, les associations ont constaté que les autorités modifient les dates de naissance pour faciliter le renvoi des mineurs, alors même que durant notre visite sur place, nous avons vu des mineurs qui n’étaient pas pris en charge et dont aucun droit n’étaient respectés. Quelle humanité? Alors même qu’à Briançon, on continue de menacer de poursuite des bénévoles qui empêchent des personnes de mourir en montagne. Quel droit? Quelle humanité? Et ce ne sont pas de maigres amendements sur une loi inique qui effaceront les violences policières à Calais ou ailleurs et le déni des autorités sur le sujet, qui effaceront les reculades juridiques successives comme la loi Warsmann ou la circulaire Collomb ou qui effaceront les traces que l’ensemble de ces mesures ne manqueront pas de laisser dans l’histoire lorsque les générations futures examineront si nous eûmes le courage de nous montrer dignes.
Une responsabilté pour l’avenir
Si les prochaines générations retracent l’ensemble des événements, elles verront peut-être avec horreur les camps de Libye où des femmes et des hommes sont violés à mort, torturés, vendus en esclaves et retenus par des pseudo garde-côtes que nous finançons nous-mêmes. Elles verront peut-être les blindés que la Turquie s’est offerts grâce aux financements des pays européens et qu’elle déploie maintenant pour empêcher les Syriens de fuir. Elles verront peut-être ces ONG criminalisées et seules en mer pour porter secours à des esquifs que les eaux engloutissent tous les jours. Elles verront peut-être avec sidération ces enfants de 14 ou 16 ans poursuivre leurs rêves jusqu’en France où ils seront matraqués, pourchassés et expulsés. Elles verront des hommes et des femmes criminalisés parce qu’ils avaient porté secours. Elles verront enfin que l’hospitalité et la raison ne furent que les mythes d’une époque insensée.
Le chemin que nous avons pris partout en Europe depuis des années est celui de la condamnation inéluctable de la mobilité. Mais comment croire que la répression et l’expulsion peuvent décourager des personnes que la mort n’a jamais cessé de poursuivre durant tout leur parcours? M. Collomb doit comprendre que non, l’appel d’air n’existe pas -pas plus que le «risque migratoire». Non, aucune région ne sera jamais submergée -les réfugiés ne constituent que 0,3% de la population mondiale. Non, ces personnes ne viennent pas majoritairement en Europe (seulement 0,1%)- elles sont surtout accueillies par les pays en développement. Non, elles ne fraudent pas les allocations. Non, opposer les populations en détresse d’ici ou d’ailleurs n’est pas décent. Oui, il est temps de lutter contre l’ensemble de ces mensonges, oui il est temps d’imposer un autre discours. Il est temps de dire que les rêves qui portent l’ensemble de ces hommes et de ces femmes sont une chance. Il est temps de dire que les valeurs qui ont animé ce pays sont universelles et que parmi les devoirs premiers d’un gouvernement il n’y a ni la répression, ni l’expulsion, mais bien l’inclusion et le respect des droits fondamentaux. Il est temps de défendre une politique d’accueil et une politique solidaire pour toutes et tous.
Il faut refuser la loi « Asile et immigration »
Devant notre devoir d’humanité, il faut donc…
Tribune complète et liste des signataires sur le site de Libération.