Pour une société écologique de pleine activité
Le constat qui sert de socle à l’ensemble des propositions tient en deux chiffres, 7 et 3 : 7 millions de personnes en France sont demandeurs d’emploi, travailleurs pauvres ou vivent des minima sociaux ; 3, c’est le nombre de planètes Terre nécessaires à l’humanité si tout le monde avait le niveau de vie d’un Français moyen. Ainsi, nous avons réussi, en France, le tour de force de laisser plus de 10 % de la population dans la pauvreté tout en rendant notre mode de vie insoutenable pour la planète. Malheureusement, cette situation n’est que le reflet d’une réalité mondiale encore plus crue. Alors que l’humanité a fêté son entrée dans le XXIe siècle en faisant passer son empreinte écologique globale au-dessus des capacités de la planète, trois milliards d’êtres humains continuent de vivre avec moins de deux dollars par jour.
Dans ce contexte de double crise sociale et environnementale, nous nous sommes donné deux grands objectifs sur le plan économique : lutter contre l’insécurité sociale en allant vers une société de pleine activité, et réduire l’empreinte écologique de notre pays.
Une part croissante des Français souffre d’insécurité sociale. On l’a vu avec le contrat première embauche, et c’est toujours le cas avec le contrat nouvelles embauches : les protections associées aux statuts de la société salariale volent en éclat, et les trajectoires personnelles sont de plus en plus précarisées. La France est deux fois plus riche qu’en 1974. Mais à quoi sert cette richesse accumulée si la pauvreté ne recule pas et si la souffrance s’accroît ?
Pour commencer à inverser la tendance, les Verts proposent deux mesures d’urgence. Les minima sociaux représentant toujours moins de 1 % du PIB, leur augmentation de 50 % sur cinq ans et l’extension du RMI aux jeunes de 18 à 25 ans sont donc légitimes et finançables. Par ailleurs, plus d’un million de personnes – dont 800 000 femmes travaillant, par exemple, dans la grande distribution, les sociétés de nettoyage, etc. – ont des revenus qui restent, malgré leur statut de salariées, en dessous du seuil de pauvreté. Pour lutter contre le phénomène du « travail pauvre », nous proposons de renchérir le coût des contrats de travail à temps partiel inférieurs ou égaux à un mi-temps. Une prime salariale sur les premières heures travaillées permettrait d’augmenter de plus de 10 % le revenu de ces personnes dès 2007, et de faire en sorte que tout salarié à mi-temps reçoive une rémunération supérieure au seuil de pauvreté (650 euros).
Parallèlement à ces mesures de court terme, nous souhaitons poursuivre la déconnexion du revenu et de l’emploi (salarié ou indépendant). Au projet de société proposé par la droite qui veut faire du travail marchand la condition de l’existence et de la reconnaissance sociale, nous préférons le projet d’une société de pleine activité, et non de « plein emploi ». Pour nous, le travail salarié n’est qu’une des modalités d’intégration sociale. C’est pourquoi nous souhaitons reprendre la marche de la réduction du temps de travail en revenant sur les lois Fillon, qui ont vidé de leur contenu les lois Aubry en mettant enfin en place les 35 heures dans les entreprises de moins de 20 salariés. Pour les salariés de plus de 55 ans, il s’agira d’expérimenter des contrats d’activité qui permettront de mixer des revenus liés à un emploi marchand et à des activités d’utilité sociale et environnementale.
Remettre le travail à sa juste place est indispensable pour aller vers une maîtrise de la consommation, indispensable si l’on veut vraiment réduire l’empreinte écologique. Car, on le voit tous les jours avec les premiers impacts du réchauffement climatique et de la crise du pétrole, c’est bien l’autre urgence que nous devons traiter. Malgré les grandes déclarations du Président Chirac, le gouvernement n’a rien fait, depuis 2002, pour aller dans ce sens. Nous avons donc encore perdu cinq ans. Laps de temps que d’autres pays comme l’Allemagne, l’Islande ou la Suède, ont mis à profit pour développer les énergies renouvelables, renforcer leur fiscalité écologique et créer des emplois dans les éco-activités. En 2007, il faudra donc aller vite et mettre en place un grand plan de conversion écologique de l’économie créateur d’emplois non délocalisables. Selon une étude européenne, 200 000 emplois peuvent être créés dans les énergies renouvelables en cinq ans, et au moins autant dans le bâtiment, si l’on se réfère à des études allemandes, grâce à des mesures très incitatives pour réaliser des travaux d’isolation de 15 millions de logements anciens sur la mandature.
La conversion écologique de l’économie passe aussi par le renforcement de la fiscalité écologique afin de valoriser les comportements écoresponsables et de donner une valeur économique à la sobriété énergétique et, tout simplement, au fait de ne pas consommer ! La gauche devra mettre rapidement en place les « pollutaxes » que le gouvernement Jospin s’est refusé à instaurer, en priorité sur les transports routiers. Comme la situation s’est aggravée, il faudra aller plus loin. Nous proposons d’étudier, avec le parti travailliste britannique, qui a engagé depuis un an une réflexion active sur le sujet, la mise en place d’un crédit par ménage d’émission carbone (ou équivalent CO2). L’idée est la suivante : un cadre ne possédant pas de voiture mais disposant d’une résidence secondaire et prenant l’avion cinq fois par an pour s’y rendre, émet plus de CO2 qu’un ouvrier habitant en banlieue qui ne part pas en vacances mais se rendant au travail en voiture tous les jours. L’augmentation de la TIPP sur l’essence pénalise le second, ce qui est injuste et justifie les réticences des syndicats. Avec un système de bonus/malus sur l’ensemble de la consommation de trois postes facilement « traçables » comme le logement, les transports et l’énergie domestique, c’est bien le premier qui serait légitimement pénalisé. Cette mesure, dont il faudra bien sûr adapter les modalités pour tenir compte de la diversité des situations collectives, permettrait d’envoyer un signal très fort à l’ensemble de la population pour engager un changement des modes de consommation tout en étant socialement juste.
Produire et répartir autrement les richesses. Le combat n’est pas nouveau, mais il devient chaque jour plus urgent. Les Verts entendent bien y contribuer à leur niveau.
P. C.
Publié par « Politis » n°899 du 27 avril 2006
« Le programme [économique et] social des Verts »