Tchernobyl : Il n’y a pas de vie saine après une catastrophe nucléaire
Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur numéro 4 de Tchernobyl marque la première catastrophe nucléaire de grande ampleur en Europe. 32 ans après la catastrophe, qu’est-ce que Tchernobyl nous enseigne ?
Michèle RIVASI, agrégé de biologie et fondatrice de la CRIIRAD créée aux lendemains de l’accident de Tchernobyl, souligne ses conséquences sanitaires et environnementales et les niveaux de contamination de la zone d’exclusion :
« La catastrophe de Tchernobyl ne relève pas du passé, la contamination perdure »
Les autorités locales et la communauté internationale se sont focalisées depuis la catastrophe sur la sécurité des réacteurs. Mais aujourd’hui, cinq millions de personnes vivent sur 150 000 km2 de terres contaminées. Il est important de se concentrer sur ces populations, leur santé et leur environnement. Depuis 2013, grâce à des collaborations entre le Parlement européen et de la Commission européenne, j’ai eu le plaisir de lancer un programme européen sur la santé et l’environnement autour de la zone d’exclusion de Tchernobyl. »
« Il faut casser le mythe d’un nucléaire sans danger. Les recherches sanitaires le confirment. »
Trente-deux ans après l’accident, la santé des enfants est toujours en danger. L’étude menée dans le cadre de ce programme européen analyse de nombreux problèmes de santé chez les enfants : 45 % des enfants examinés ont un déséquilibre hormonal dans la thyroïde ; 35% des enfants ont des problèmes de foies anormalement gros ; 80% des adolescents ont des problèmes cardiaques et 30 % ont une pression sanguine trop élevée. Le taux de mortalité reste élevé et beaucoup d’adultes encore jeunes sont atteints de cancers. La recherche a d’ailleurs montré une corrélation entre le cancer du sein et la radiation.
Cette étude menée dans le district d’Ivankov (un territoire contaminé se trouvant dans la région de Kiev, à 30 km de la centrale de Tchernobyl) sera rendue publique les 9 et 10 juillet 2018. Je me rendrai en Ukraine pour entendre les résultats de cette étude et pour inaugurer un laboratoire d’analyse radiométrique et spectrométrique à l’hôpital d’Ivankov et un centre spécialisé pour la santé infantile et maternel. Une cartographie des sols d’Ivankov a été également mise à jour et met en évidence que des zones hors de la zone d’exclusion de Tchernobyl ont des niveaux de pollution inappropriés pour une production de nourriture. Je pousserai à développer une cartographie pour tous les districts avoisinant la zone d’exclusion et assurer l’accès à une alimentation saine.
« Le nucléaire est un véritable fiasco »
Les conséquences sanitaires du nucléaire montrent que les choix nucléaires, lourds de conséquences, ne peuvent pas se décider dans les coulisses du pouvoir. Outre la dangerosité du nucléaire, le nucléaire est une énergie qui coûte de plus en plus cher. EDF et Areva sont en situation de détresse économique, voire de faillite pour Areva. Le marché international se rétracte depuis 20 ans et les coûts de production explosent. La filière nucléaire, soutenue à perte par l’État et les contribuables, n’est plus compétitive face aux énergies renouvelables. De plus, le nucléaire n’est pas une énergie propre, aucune solution satisfaisante n’existe pour la gestion des déchets à long terme. En les enfouissant en profondeur pour des milliers d’années, on fait porter des risques considérables sur les générations futures. Enfin, les déboires sur le chantier de l’EPR de Flamanville se multiplient : des fissures sur les blocs de béton sont observées en 2008 ; une anomalie dans la composition de l’acier du couvercle et du fond de cuve du réacteur est détectée en 2015… et EDF qui constate maintenant des défauts de soudure ! »