2012 – 2013 : les écologistes au pouvoir en France et en Allemagne
« Les écologistes européens sont convaincus depuis toujours que les grands défis auxquels nous sommes confrontés – économique, énergétique, climatique, environnemental, etc – ne pourront se régler qu’en améliorant et approfondissant la coopération européenne. Les dirigeants européens actuels sont quant à eux désespérants de conformisme et d’immobilisme face à la situation de crise économique, sociale et environnementale actuelle.
C’est pourquoi des représentants d’Europe écologie-Les Verts et Bündnis 90/die Grünen – députés européens et nationaux, responsables du parti, élus locaux – se réunissent le 30 septembre à Paris pour réfléchir ensemble sur quatre grandes thématiques : les questions énergétiques, économiques, d’aménagement et de logement et d’intégration. Le partage d’expériences et de réflexions entre écologistes des deux rives du Rhin permet de dégager de nombreuses pistes communes pour sortir de la crise et proposer de nouvelles solutions.
Vendredi 30 septembre 2011 – Eva Joly et Cécile Duflot accueillent à Paris les écologistes allemands Cem Özdemir, le co-président des Grünen et Rebecca Harms, co-présidente du groupe des eurodéputés Verts/ALE au Parlement européen.
Nous voulons ainsi contribuer à redynamiser les relations franco-allemandes, ce qui, compte-tenu des défis européens actuels, est véritablement urgent. La chancelière Angela Merkel et le Président Nicolas Sarkozy n’avaient pas de plan pour continuer à conduire l’Europe ensemble lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir. Le projet européen continue de souffrir de ce flottement, sans volonté de plus grande intégration ni réelle volonté politique. Sous la pression de la crise, les sommets européens aboutissent certes à des mesures européennes qui étaient inimaginables il y a peu. Mais cela reste économiquement insuffisant et sans vision ni enthousiasme politique européen. Les citoyennes et les citoyens français et allemands ont besoin maintenant plus que jamais de responsables politiques qui veulent l’Europe, qui s’engagent pour l’Europe et qui combattent tous les nationalismes.
Plus de solidarité en Europe
La zone euro est aujourd’hui à la croisée des chemins. Sa dislocation marquerait le début du délitement du projet européen, un scénario noir rejeté par les Verts en France comme en Allemagne. L’avenir de la zone euro est une question de volonté politique. Volonté politique d’accroître la solidarité entre les pays européens, volonté politique de prendre les mesures nationales nécessaires pour faire face aux crises, volonté politique d’aller plus loin dans le projet européen. Nous portons, en France, en Allemagne, au Parlement européen et dans le reste de l’Europe, le projet d’une union économique et d’une Europe fédérale et démocratique.
Répondre à la crise de la zone euro impose des mesures immédiates. La restructuration de la moitié de la dette grecque en fait partie, tout comme le fait de doter le fonds européen de stabilité financière des moyens nécessaires pour faire face à une possible contagion. Au-delà de ça, le Fonds européen de stabilité financière doit être doté de moyens suffisants pour prévenir d’une éventuelle contagion aux autres pays de l’Union. Nous sommes également favorables au mécanisme européen de stabilité. Parallèlement, en Allemagne comme en France, les Verts soutiennent la création d’euro-obligations. En mutualisant une partie de leur dette, les Etats de la zone euro pourraient emprunter au meilleur coût. Pour autant, la solidarité européenne ne peut s’accomplir que dans le respect des règles de notre monnaie commune et la mutualisation des dettes doit s’accompagner d’une coordination renforcée des politiques économiques et budgétaires. Un tel renforcement de la coopération n’est juridiquement pas possible dans le cadre du Traité de Lisbonne, ce qui implique une nouvelle légitimation démocratique avec une nouvelle Convention européenne. Nous nous engageons à légitimer le renforcement de la coopération économique, par un referendum européen ou à défaut par par des referendums nationaux.
Le Green New Deal, un projet commun
Lors de l’atelier économie, animé par les eurodéputés Pascal Canfin, Reinhard Bütikofer et Sven Giegold
La sortie de la crise financière ne pourra réussir que lorsque les marchés financiers et les banques s’inscriront dans une nouvelle dynamique économique, sociale et écologique. Pour ce faire, nous voulons tenir le capitalisme financier « en laisse » et réorienter les flux de capitaux vers la conversion écologique des différents secteurs de l’économie notamment les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les matières premières, l’éducation et la santé. Un Green New Deal doit encourager l’investissement privé dans ces secteurs d’avenir et renforcer les investissements publics sans augmenter davantage la dette publique. Les revenus du patrimoine et du capital doivent donc être plus imposés. C’est pourquoi nous sommes également pour des mesures européennes pour une taxe sur les transactions financières, contre les paradis fiscaux et le dumping fiscal. L’Allemagne et la France devraient soutenir un tel Green New Deal en Europe au lieu de se laisser intimider par les marchés financiers de Sommet en Sommet. Ce Green New Deal devrait aussi accompagner les efforts à fournir par les pays en fort déficit – notamment la Grèce et le Portugal – et ouvrir de nouvelles perspectives économiques.
Révolutionner le modèle énergétique européen
Le but de la politique européenne énergétique doit être d’assurer un approvisionnement énergétique sûr, présentant peu de risques, respectueux du climat et abordable pour les citoyens de l’UE. L’utilisation économe et efficace des énergies renouvelables protège le climat, permet d’économiser des milliards en réduisant les importations d’énergies, diminue notre dépendance envers les pays exportateurs – en partie instables et permet la sortie de la technologie extrêmement risquée qu’est le nucléaire. Plusieurs études ont déjà montré la faisabilité de scénarios de transition énergétique avec 100% de renouvelables d’ici à 2050. Nous devons poser les jalons de cette politique énergétique pour que ces scénarios deviennent réalité. Nous devons abandonner le modèle d’approvisionnement traditionnel centralisé associant énergies fossiles et nucléaires.
Lors de l’atelier énergie, en présence de l’eurodéputé Yannick Jadot, l’élu parisien Denis Baupin et Rebecca Harms
La sortie du nucléaire est un préalable indispensable à cette rupture. L’Allemagne s’y est engagée résolument et définitivement après la catastrophe de Fukushima. Les Verts allemands s’étaient investis depuis des décennies pour la sortie de cette technologie à haut risque. Cela a aussi ouvert la voie à un approvisionnement énergétique moins risqué par les énergies renouvelables. C’est un exemple à suivre pour la France plutôt que de s’entêter dans cette énergie obsolète et de casser le formidable potentiel de développement des énergies renouvelables.
Au niveau européen le traité EURATOM archaïque et antidémocratique aurait du être réformé depuis bien longtemps. Ce n’est plus compréhensible qu’une énergie, qui n’est pas utilisée dans de nombreux Etats membres, ait un statut particulier qui exclut tout contrôle démocratique par le Parlement européen. Au contraire le temps est venu de créer une Communauté des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Au lieu de continuer à verser des sommes incroyables dans le projet de recherche de réacteur à fusion ITER, la recherche européenne sur l’énergie doit se concentrer dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Les projets d’infrastructures de réseaux doivent également répondre à l’objectif d’approvisionnement général par les énergies renouvelables. Un approvisionnement énergétique propre et sûr et la lutte contre le changement climatique sont des enjeux communs, auxquels les Etats membres doivent répondre ensemble.
Une Europe ouverte et multicuturelle
Lors de l’atelier intégration, avec les eurodéputées Hélène Flautre et Ska Keller
Certains discours en Allemagne et en France, et ailleurs en Europe, proclament l’échec et la fin du multiculturalisme. Pourtant, il s’agit de l’essence même du projet européen, à laquelle les écologistes sont très attachés et que l’on retrouve dans la devise européenne « L’unité dans la diversité ». L’accès à la nationalité doit être facilité tout comme le regroupement familial, qui est un droit fondamental. Les attaques contre la double nationalité sont dérisoires et contre-productives. En sommant un individu de choisir entre ces deux nationalités, le travail d’intégration n’est pas facilité : il s’agit au contraire d’une richesse à valoriser. Le droit de vote et l’éligibilité des étrangers, aujourd’hui réservé aux seuls ressortissants de l’Union européenne, doit être étendu à tous les étrangers. Nous défendons enfin l’adoption d’une stratégie ambitieuse anti-discrimination au niveau européen. Il s’agit d’un fléau qui mine toutes les politiques d’intégration et nous dénonçons le blocage du gouvernement Merkel concernant la directive cadre sur ce sujet.
Une politique du logement socio-écologique et le renforcement de la cohésion sociale dans nos villes
Lors de l’atelier logement, avec l’eurodéputée Karima Delli
Le droit au logement en France est une grande avancée symbolique, mais il ne reste pour l’instant qu’un outil de gestion des listes d’attente. Pour en faire un droit, il faut une offre correspondante : en rénovant, construisant, mobilisant le parc dormant, nous écologistes, voulons limiter la spéculation immobilière croissante et renforcer la construction et l’habitat social, collectif et communautaire. La participation des habitants à la politique du logement doit être renforcée dans les deux pays. Les écologistes en France comme en Allemagne veulent limiter plus fortement les possibilités d’augmentation des loyers. Le montant des loyers des logements neufs notamment ne doit plus être établi uniquement sur la base des prix du marché immobilier. Avec l’introduction d’une liste officielle des loyers la France pourrait reprendre un outil de maîtrise des loyers allemand très efficace.
Les programmes de renouvellement urbain et de politique de la ville, qui sont actuellement réduits en Allemagne comme en France, sont dans les deux pays la base de la réduction de la fracture sociale en ville. Pour réduire l’empreinte écologique des logements et les factures énergétiques de ses occupants, notre objectif est d’arriver à des logements autonomes énergétiquement et peu consommateurs de ressources naturelles à l’horizon 2030. Pour y parvenir, nous proposons de développer une stratégie de financement de rénovation du bâtit de long-terme qui donnera une sécurité aux investisseurs et aux acteurs de la chaine. L’Allemagne s’est engagée dans une politique de rénovation énergétique depuis 10 ans et a substantiellement réduit l’empreinte carbone du secteur résidentiel, par une politique d’aides pour tous par des prêt à taux zéro. Nous demandons le développement et le renforcement des ces programmes de rénovation écologique des bâtiments en France comme en Allemagne afin d’augmenter significativement le nombre de rénovations annuelles. »
Cécile Duflot lors du séminaire franco-allemand
Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Ecologie – Les Verts, a introduit la conférence organisée en fin de journée au Comptoir général, à Paris : « En Europe et dans le monde, l’écologie politique est au cœur d’une évolution politique de fond, estime-t-elle. Nous ne trouverons pas les solutions aux crises économique, sociale et environnemental, à l’intérieur de nos frontières nationales. »
Daniel Cohn-Bendit sur le séminaire…
Absent lors du séminaire, Daniel Cohn-Bendit a envoyé un message :« Nous devons définir les axes d’une transformation écologique nécessaire, non pas au niveau national, mais au niveau européen. Ces discussions sont difficiles mais nécessaires. »