#3novembre11h44 à travail égal, salaire égal
L’Europe est incontestablement l’une des régions où les droits des femmes ont le plus progressé. Cependant, on a tendance à oublier qu’elle s’est arrêtée au milieu du gué en matière d’égalité femmes-hommes. Ce 3 novembre, journée européenne de l’égalité salariale vient le rappeler en marquant symboliquement le jour à partir duquel les femmes cessent d’être rémunérées pour leur travail par rapport à leurs collègues masculins.
En 2016, on « célébrait » cette journée le 7 novembre à 16h34 mais les nouveaux chiffres de l’office statistique européen sont passés par là et force est de constater qu’on est loin de se diriger vers le principe « à travail égal, salaire égal ». Aujourd’hui, le salaire horaire moyen des femmes en Europe est de 16,3 % inférieur à celui des hommes. En France, le collectif Les Glorieuses observe que l’écart de rémunération de 15,8% publié par Eurostat est plus important que celui de la dernière étude qui datait de 2010. Et pourtant, il ne faut pas oublier que l’écart de rémunération n’est que la pointe émergée d’un iceberg d’inégalités puisque, comme le reconnait la Commission européenne, « les femmes ont toujours tendance à travailler dans des secteurs moins bien payés, obtiennent moins de promotions et sont sous-représentées dans les postes de direction ». Ainsi, seulement 44,1% des femmes travaillent à temps plein, contre 68,8% des hommes, et cela a des conséquences pour les femmes en termes de salaire, retraites, droits au chômage, etc. La Confédération européenne des syndicats tirait ainsi la sonnette d’alarme cet été en révélant que l’écart entre les niveaux de retraite est évalué à 40% en Europe en 2017 !
A travers ces chiffres accablants, il faut dénoncer le fait que l’égalité salariale a été progressivement marginalisée en tant qu’objectif politique. Face à l’inaction des pouvoirs publiques en Europe, il est ironique d’avoir vu célébrés en grande pompe cette année les 60 ans du Traité de Rome, premier texte européen à inclure le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. Malgré la multiplication des études et des parlementaires à ce sujet, toutes les propositions législatives promises, annoncées voire même mises sur la table des législateurs européens ont été bloquées par les Etats ou la Commission européenne elle-même. Pire, les crises économiques et les réponses apportées sous la forme de politiques d’austérité ont eu un impact considérable sur les femmes et sur l’égalité femmes-hommes. Un rapport adopté par le Parlement européen à l’initiative des écologistes en mars 2017 démontrait que les Européennes ont été les plus touchées par les coupes budgétaires dans les services publics tels que la santé, l’éducation, les services sociaux et les prestations sociales. Les mesures d’austérité ont contribué à l’augmentation de la « féminisation » de la pauvreté, quand les coupures dans les services publics et de santé transfèrent la charge des soins de la société vers les ménages individuels, où la charge incombe principalement aux femmes.
Si aucun progrès significatif n’est réalisé, on estime qu’il faudra 70 ans pour atteindre l’égalité de rémunération, 40 ans pour que le travail domestique soit équitablement partagé entre hommes et femmes et 20 ans pour parvenir à une représentation égale en politique. Comme dans de nombreux domaines, la tentation est grande de laisser à la génération suivante le soin de concrétiser ces objectifs… Pourtant, la récente visibilisation des multiples formes de violences faites aux femmes rappelle l’importance d’agir dès l’identification d’un problème. Si de nombreux gouvernements européens se déclarent prêts à agir afin que les Européennes ne soient plus confrontées à l’hostilité dans leurs environnements de travail notamment – ce qui a des conséquences évidentes sur leur développement professionnel et leur bien-être, nous souhaitons qu’ils aillent au bout de leur démarche et s’assurent qu’à travail égal on garantisse aux travailleuses et travailleurs européens un salaire égal. Les écologistes européens appellent donc à faire acter ce principe lors du sommet européen pour un pilier européen des droits sociaux qui se tiendra en Suède en novembre.