Contrat à terme sur la dette française : beaucoup de bruit pour rien ?
Son introduction déclenche, en cette période électorale, l’ire de la gauche qui y voit un outil de spéculation supplémentaire contre la dette française. Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche s’est fendu d’un communiqué, dénonçant le « coup de force de la finance contre notre pays ». « Le lancement des contrats Eurex entretient l’idée selon laquelle la qualité de la dette française serait susceptible de se dégrader par rapport à celle de la dette allemande », écrivent les eurodéputés PS Catherine Trautmann, Liêm Hoang-Ngoc et Pervenche Berès.
Décisions politiques
Ces contrats à terme (« futures » en anglais), proposés par Eurex, filiale du groupe allemand Deutsche Börse, existaient déjà en France jusqu’en 1999, à l’époque du marché à terme des instruments financiers.
« En mobilisant peu d’argent, vous prenez des positions importantes. En ce sens-là, c’est spéculatif, estime Jean-François Robin, stratégiste chez Natixis. Mais on n’a pas attendu les contrats futures pour avoir un écart de taux de 200 points de base avec l’Allemagne. Il ne faut pas s’y tromper, ce qui va faire monter les spreads français, ce sont les décisions politiques. » Les détracteurs du produit, à l’instar de Pascal Canfin, eurodéputé écologiste, redoutent des comportements similaires à certains détenteurs de credit default swaps (CDS), qui s’assurent contre le risque souverain sans même posséder d’obligations d’Etat. Une pratique qui n’aura plus lieu d’être à partir de novembre prochain, à la suite d’une interdiction des « CDS à nu » sur les titres de dette publique adoptée à l’échelle de l’UE.
Même s’il s’en défend, le spécialiste des dérivés anticipe cependant l’échéance présidentielle. « Eurex propose un instrument de couverture pour une dette qui risque d’être secouée avec les élections. C’est un vendeur de parapluie avant la pluie », résume Jean-François Robin.
L’incertitude entourant les décisions politiques prises après le 6 mai, couplée aux différences persistantes des conditions dans lesquelles la France et l’Allemagne empruntent, motivent l’arrivée des contrats à terme pour les obligations françaises. Ces dernières années, les investisseurs utilisaient le contrat à terme allemand pour se couvrir contre le risque sur la dette française qu’ils détenaient. Mais les variations de taux d’intérêt entre les dettes française (3% à 10 ans) et allemande (1,75%) ne permettent plus cette interopérabilité.
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