Le renoncement à la violence politique
Début septembre 2010, ETA a réagi par un communiqué prenant en considération cette « déclaration de Bruxelles », mais se limitant dans les termes à un « arrêt des actions armées offensives », des termes que Brian Currin et son groupe avaient récusé à l’avance en faisant valoir « qu’une simple déclaration de cessez le feu par ETA ne serait pas suffisante parce qu’elle n’entraînerait pas la confiance, puisque d’autres trêves n’ont pas été respectées par le passé ».
Face à cette nouvelle impasse politique, la gauche « abertzale » a fait entendre sa voix. En décembre, son principal dirigeant, Arnaldo Otegi, depuis la prison où il est enfermé pour « apologie du terrorisme », a appelé ETA « à décréter une trêve permanente », ajoutant qu’en cas de reprise des attentats, Batasuna « s’opposerait à de tels faits ».
Le 8 janvier dernier, l’organisation clandestine a remis un nouveau communiqué par lequel elle « décide de déclarer un cessez le feu général et permanent, vérifiable par la communauté internationale ». Déclaration qui a ouvert la porte à de nouvelles évolutions.
En effet, l’amalgame entre Batasuna et l’ETA a permis à l’Etat espagnol de systématiquement illégaliser les partis politiques se revendiquant de cette mouvance. Les tentatives de créer des partis sous de nouveaux sigles étaient ainsi systématiquement déférées devant les tribunaux de la Cour Suprême au nom du « soutien apporté à la violence », la loi espagnole exigeant désormais que le rejet de la violence politique soit explicitement mentionnée dans les statuts et les buts des partis admis à participer à des élections.
Ce stratagème a notamment permis en 2009 aux forces espagnolistes, droite et gauche confondues, d’arracher aux nationalistes basques au pouvoir depuis la mort de Franco la Présidence du gouvernement de la Communauté Autonome Basque. En effet 100.000 électeurs de Batasuna, faute de pouvoir soutenir la liste politique de leur choix, s’étaient réfugiés dans le vote nul. Et, à la veille de nouvelles élections en mai prochain (élections provinciales), le gouvernement espagnol comptait pouvoir continuer ainsi, créant, au cœur de l’Union Européenne, une situation de « carence démocratique » pour une partie importante de l’opinion basque.
Aussi, le dépôt des statuts du nouveau mouvement devant représenter la gauche abertzale dans ces prochaines élections était un moment particulièrement attendu. Ce lundi, les deux responsables qui ont présenté à la presse le nouveau mouvement Sortu (renouveau en langue basque) ont fait sensation, tant le contenu de leur projet va loin dans le sens d’un renoncement à la violence. Le nouveau mouvement déclare en effet : « l’engagement de ne recourir qu’à des moyens politiques et démocratiques est total et sans équivoque, sans possibilité de retour en arrière (…) ; la gauche abertzale rejette et s’oppose à l’usage de la violence, ou la menace d’y recourir, (…) et cela inclut la violence d’ETA qui doit disparaître dans toutes ses formes ». La déclaration ajoute : « le rejet explicite de la violence et de toute relation de quelque nature que ce soit avec elle est la conséquence directe de notre engagement à n’employer que des moyens politiques et démocratiques, et cela sera explicite dans les statuts du nouveau parti ».
Ces déclarations politiques, accompagnant des statuts respectant scrupuleusement la « loi sur les partis politiques » espagnole, devraient rendre très difficile au gouvernement espagnol de prononcer une nouvelle illégalisation à l’encontre de la gauche abertzale. Il ne pourrait le faire qu’avec des arguments dilatoires et la complicité silencieuse de l’Europe.
Aussi, avec Bairbre de Brun, députée irlandaise du Sinn Fein, j’ai tenu une conférence de presse au sein du Parlement Européen à Bruxelles en présence de Niko Moreno, maire d’une ville basque grande comme Corti, membre de cette nouvelle organisation de la gauche abertzale. La presse était nombreuse, et chaque initiative qui expliquera à l’opinion européenne la nouvelle situation basque rendra un peu plus difficile l’attitude de refus du gouvernement et des grands partis espagnols.
François ALFONSI