Énergies renouvelables : attention aux mauvaises solutions

Derrière l’appellation « énergie renouvelable » se cachent parfois des solutions peu écologiques pour peu que l’on y regarde de plus près. C’est particulièrement vrai en matière d’agrocarburants. À l’occasion de la révision de la directive européenne relative aux énergies renouvelables, votée cette semaine au Parlement européen, nous proposons une FAQ (Foire Aux Questions) pour y voir plus clair sur le sujet.

Quelles sont les propositions de la Commission européenne, et quelle est la position des écologistes au Parlement européen (PE) sur les objectifs en matière d’énergies renouvelables (ENR) ?

Pour les objectifs post-2020 (2030 et 2050), nous avons toujours défendu des objectifs plus ambitieux que les propositions de la Commission et du Conseil en matière d’énergies renouvelables. L’objectif commun de 27% d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, sans objectifs contraignants au niveau national, est insuffisant pour respecter et atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat (à savoir limiter le réchauffement climatique à 1,5°C).  Les États doivent être mis face à leurs responsabilités et ne doivent pas pouvoir compter sur les bons élèves pour compenser leur retard, une logique irresponsable que veulent faire prévaloir certains États membres.

 

Justement, où en est la France ?

Nous déplorons le manque d’efforts des gouvernements français successifs qui font de la France l’un des pires élèves : notre pays a actuellement une part de 15,2% d’ENR (essentiellement de la biomasse et de l’hydroélectrique) alors que son objectif pour 2020 est de 23% !

 

Quels objectifs défend le Parlement européen ?

Grâce au travail et l’influence de notre groupe politique et de la société civile, les objectifs du Parlement européen sont plus ambitieux que ceux de la Commission européenne. La Commission environnement et santé publique du PE (la plus progressiste) a pris position pour un objectif général de 35% contraignant au niveau national (chaque pays contribuant différemment, en fonction de sa géographie, ses ressources naturelles et d’autres indicateurs). La Commission industrie du PE (plus conservatrice) suit le même objectif, mais sans exigences contraignantes pour les États membres. Nous espérons qu’en session plénière, lors du vote final, le Parlement européen saura honorer et porter la voix des citoyens.

 

Les objectifs défendus par le Parlement européen sont-ils suffisants ?

Malgré notre enthousiasme (relatif) pour le positionnement actuel du Parlement européen, nous considérons que les objectifs du Parlement européen sont insuffisants, d’autant plus que des scénarii énergétiques crédibles prouvent que nous pourrions atteindre les 45% en 2030 avec plus d’ambition politique et d’investissements, comme nous l’exprimions déjà en 2011 quand la Commission proposait sa feuille de route « Énergie 2050 ».

 

Certains agrocarburants ont très mauvaise réputation, est-ce justifié ?

Les écologistes ont été les premiers à dénoncer les impacts négatifs des agrocarburants, comme en témoignent cette note de 2008 expliquant notre positionnement et la campagne de communication lancée à l’époque.

Nous nous opposons aux agrocarburants de 1ère génération (issus de matières premières alimentaires), car nous refusons que la production d’agrocarburants rentre en concurrence avec le droit à l’alimentation : la compétition entre les usages mène inévitablement à une inflation des prix des produits agricoles.

La surface de terres arables se réduisant chaque jour, nous devons préserver les terres agricoles (c’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous opposons fermement au projet d’aéroport à Notre Dame des Landes), d’autant plus que la production d’agrocarburants favorise la monoculture intensive et chimique. Par ailleurs, leur bilan écologique est désastreux si l’on prend en compte l’impact du changement indirect d’affectation des sols sur les émissions de gaz à effet de serre, notamment quand les agrocarburants sont produits sur des terres obtenues grâce à la déforestation.

 

Quelles sont les propositions de la Commission sur les agrocarburants ? Comment se positionnent les différents groupes politiques ?

La Commission propose aujourd’hui de réduire la part des agrocarburants de 1ère génération d’ici à 2020, fixant un plafond de 3,8% d’incorporation dans les carburants. C’est une avancée insuffisante à court terme, mais nous avons réussi à obtenir la fin de l’incorporation des agrocarburants de 1ère génération d’ici à 2030, ce qui permet de définir une trajectoire ambitieuse et progressive de diminution. Néanmoins, nous craignons que les forces conservatrices du Parlement européen suppriment cet objectif essentiel, alors même qu’ils souhaitent un plafonnement moins strict que la Commission (7% en 2020, ce qui est le cas de la directive en vigueur actuellement), ce qui prolongerait le maintien du seuil d’agrocarburants au niveau actuel.

 

L’huile de palme est dénoncée pour les ravages que sa production occasionne, que prévoit l’Union européenne pour lutter contre ses dégâts ?

Nous avons réussi à obtenir la fin de l’intégration de l’huile de palme dans les agrocarburants d’ici à 2021, ce qui est une excellente nouvelle car leur production est synonyme de déforestation et donc de dégradation climatique, mais aussi de perte de biodiversité et de spoliation des terres de peuples premiers. Nous sommes optimistes quant au maintien de cet objectif mais craignons que cette position soit attaquée à l’OMC par la Malaisie et l’Indonésie, qui produisent l’essentiel de l’huile de palme au niveau mondial. S’il le faut, le texte sera réécrit pour être compatible avec les règles de l’OMC, mais en attendant il faut envoyer un signal politique clair, tant aux investisseurs qu’aux producteurs et aux consommateurs.

Comment faire en sorte que les énergies issues de l’agriculture et de la sylviculture soient vertueuses ?

Nous plaidons pour la mise en place de critères de durabilité dans la biomasse et les agrocarburants, afin de favoriser l’utilisation des déchets agricoles ou sylvicoles, qui doivent être valorisés au lieu d’être gaspillés. On pourrait ainsi parvenir à produire du biométhane pour les moteurs des voitures circulant au gaz, c’est une solution bien plus écologique que la voiture électrique.

 

Le recours à la combustion de biomasse pour produire de l’électricité connaît-elle aussi des conséquences négatives ?

Oui, et c’est pourquoi nous demandons que les centrales électriques à biomasse soient obligées de recourir à la cogénération afin que la combustion ne résulte pas dans une seule production d’électricité, mais permette aussi de récupérer une chaleur utilisable au niveau résidentiel ou industriel.

Par ailleurs, il est insensé d’autoriser de brûler des arbres entiers ou des souches, c’est pourquoi nous proposons une interdiction de l’utilisation de ces deux éléments comme source d’énergie afin de protéger les forets qui représentent des puits de carbone (la photosynthèse permet de transformer le CO2 en oxygène et de stocker le CO2 restant). Nous avons aussi déposé des amendements visant à mettre fin à la pratique de « co-combustion », consistant à jeter du bois dans les centrales à charbon…et permettant ainsi de bénéficier de subventions publiques finançant le fonctionnement des centrales à charbon. Un tel greenwashing est inacceptable !

 

Faut-il définitivement nous écarter des agrocarburants ?

De très mauvaises décisions ont été prises il y a plusieurs années, il est temps d’en tirer les conclusions nécessaires et d’arrêter de soutenir les fausses bonnes solutions climatiques. La deuxième génération d’agrocarburants, issue de source ligno-cellulosique (bois, feuilles, paille, etc.) à partir de processus techniques avancés, est déjà un grand pas en avant vers des agrocarburants responsables, mais leur développement industriel a trop tardé. C’est pourquoi nous espérons que la troisième génération d’agrocarburants – reposant sur la production d’hydrogène par des micro-organismes – permette de trouver rapidement une solution durable en matière de transports. Mais pour cela il faut accroître nos investissements dans la transition écologique : c’est ce à quoi les écologistes au Parlement européen s’emploient chaque jour!

 

 

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