Mettez fin à la surveillance biométrique de masse en Europe !
Cette semaine, la France pourrait adopter une loi qui autoriserait la vidéosurveillance de masse utilisant l’intelligence artificielle. Cela aurait des conséquences dramatiques sur le droit à la vie privée, la protection des données et la liberté d’expression. Le gouvernement français justifie ces mesures par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris. Avec cette loi, la France endosserait le rôle peu reluisant de « leader » des politiques de surveillance dans l’Union européenne. Dès 2021, Le Parlement européen a appelé à « l’interdiction permanente de l’utilisation de
l’analyse automatisée … des caractéristiques humaines … et d’autres signaux biométriques et comportementaux.”
41 député·e·s européen·ne·s ont écrit à leurs homologues français·es pour leur demander de retirer les mesures de surveillance biométrique de masse de la proposition de loi.
Chers/Chères membres de l’Assemblée nationale,
Nous, soussigné·e·s, membres du Parlement européen, vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude concernant l’article 7 du projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques. Nous vous alertons sur le fait que, si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, la France créera un précédent de surveillance jamais vu en Europe. L’article 7 du texte donnera une base légale à l’utilisation de caméras équipées d’algorithmes pour détecter des événements suspects spécifiques dans l’espace public, basé sur les comportements humains.
Dans le rapport 2021 du Parlement européen sur l’intelligence artificielle dans le droit pénal et son utilisation par les autorités policières et judiciaires dans les affaires pénales, précurseur de la loi sur l’Intelligence Artificielle, le Parlement a appelé à « l’interdiction permanente de l’utilisation de l’analyse automatisée […] des caractéristiques humaines […] et d’autres signaux biométriques et comportementaux.” Le règlement correspondant est actuellement en cours de négociation, et il existe une majorité favorable à une interdiction stricte de la surveillance biométrique de masse.
En poussant à l’adoption rapide d’une loi permettant l’analyse automatisée des signaux comportementaux humains en dépit du processus européen actuellement en cours, la France sape le rôle de démocratie et de contrôle du Parlement européen. L’article 7 de la loi sur les Jeux olympiques et paralympiques risque d’entrer en conflit avec la loi européenne sur l’IA.
Quel est l’enjeu de l’article 7 ?
Si n’importe qui peut être signalé à la police pour un comportement prétendument « anormal« , il faut s’attendre à un effet dissuasif (chilling effect) et, en fin de compte, à la création d’une société uniforme dans laquelle personne n’ose se démarquer.
Il est à noter que la France deviendrait le premier État membre de l’Union européenne à tenter explicitement de légaliser ce type de pratique. En l’état, cette mesure menace l’essence même du droit à la vie privée, à la protection des données et à la liberté d’expression, ce qui la rend contraire à la législation internationale et européenne sur les droits humains. Lors d’événements de grande envergure tels que les Jeux olympiques et paralympiques – auxquels des milliers de citoyennes et de citoyens de l’Union européenne assisteront – il est essentiel de veiller à ce que les droits fondamentaux soient pleinement protégés et à ce que les conditions soient créées pour un débat public, y compris l’expression politique dans les espaces publics.
L’enjeu de l’article 7 est la gouvernance de nos espaces publics et de notre société, que nous ne devrions pas laisser aux algorithmes. Il a été démontré que la vidéosurveillance omniprésente ne prévient pas la violence et les crimes graves ; l’analyse automatisée des comportements capturés n’aidera pas non plus. Il n’existe aucune preuve de l’efficacité et de l’efficience d’un tel mode de gouvernance et de maintien de l’ordre. Comme l’ont souligné les journalistes, de multiples expériences ont été menées en France et de par le monde, avec peu de transparence quant aux résultats ; souvent, l’ « expérience » est discrètement interrompue sans grande pompe et, les rares fois où les résultats ont été examinés, ils étaient négatifs et critiques. En revanche, les risques et les inquiétudes suscités par l’appareil de surveillance de l’État, qui ne cesse de s’accroître, sont bien réels. Notamment, le seul pays à avoir adopté la surveillance biométrique de masse de l’ensemble de sa population est jusqu’à présent l’autoritaire Chine.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a lancé un avertissement dans son évaluation des plus grandes menaces mondiales pour les droits humains, publiée en 2022 : « Le rapport tire également la sonnette d’alarme sur la surveillance croissante des espaces publics. Les anciennes limitations pratiques de la portée possible de la surveillance ont été balayées par les mesures de collecte et d’analyse automatisées des données à grande échelle« . Le Haut Commissaire se montre particulièrement ferme à l’égard des systèmes de traitement des données
biométriques, appelant à des moratoires ou à des interdictions. Pour un pays démocratique comme la France, encourager ces pratiques serait au contraire donner carte blanche aux régimes répressifs du monde entier pour qu’ils fassent de même avec leurs propres citoyen·ne·s.
Avec cette loi, la France endosserait le rôle peu reluisant de « leader » des politiques de surveillance dans l’Union européenne.
Chers/Chères collègues, défendons les droits fondamentaux et empêchons la surveillance biométrique de masse des espaces publics. Les personnes qui se sentent constamment observées et surveillées ne peuvent pas défendre librement et courageusement leurs droits et une société juste. Les développements technologiques doivent être alignés sur nos droits et nos valeurs.
Nous espérons sincèrement que vous prendrez des mesures urgentes en consultation avec la société civile pour répondre aux préoccupations exposées ci-dessus et retirer les dispositions relatives à la surveillance biométrique de masse de la législation proposée, en votant la suppression de cet article 7.
Co-signataires :
Patrick Breyer, Verts/ALE
Kim van Sparrentak, Verts/ALE (AI Act Shadow Rapporteur)
Sergey Lagodinsky, Verts/ALE (AI Act Shadow Rapporteur)
Gwendoline Delbos-Corfield, Verts/ALE
Yannick Jadot, Verts/ALE
David Cormand, Verts/ALE
Damien Carême, Verts/ALE
Benoit Biteau, Verts/ALE
Mounir Satouri, Verts/ALE
Saskia Bricmont, Verts/ALE
Marketa Gregorova, Verts/ALE
Jordi Solé, Verts/ALE
Francisco Guerreiro, Verts/ALE
Diana Riba, Verts/ALE
Malte Gallée, Verts/ALE
Caroline Roose, Verts/EFA
Monika Vana, Verts/EFA
Brando Benifei, S&D (AI Act Rapporteur)
Petar Vitanov, S&D (AI Act Shadow Rapporteur)
Pierre Larrouturou, S&D
Eric Andrieu, S&D
Birgit Sippel, S&DPaul Tang, S&D
Petra Kammerevert, S&D
Dietmar Köster, S&D
Cornelia Ernst, GUE (AI Act Shadow Rapporteur)
Kateřina Konečná, GUE (AI Act Shadow Rapporteur)
Manon Aubry, GUE
Anne-Sophie Pelletier, GUE
Leila Chaibi, GUE
Marina Mesure, GUE
Malin Björk, GUE
Stelios Kouloglou, GUE
Özlem Demirel, GUE
Karen Melchior, Renew
Samira Rafaela, Renew
Rob Rooken, ECR (AI Act Shadow Rapporteur)
Cristian Terheș, ECR
Carles Puigdemont, Non-inscrits
Antoni Comín, Non-inscrits
Clara Ponsatí, Non-inscrits
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