Le groupe Verts/ALE s’oppose à toute annexion israélienne

Le groupe Verts/ALE s’oppose à toute annexion israélienne et réaffirme la nécessité d’une solution à deux États.

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1.

Depuis de nombreuses années, le processus de paix entre Israël et les Palestiniens est au point mort. Cela est dû à l’occupation israélienne en cours, à de graves lacunes du côté des dirigeants palestiniens mais aussi à l’attitude de la communauté internationale et en particulier des États-Unis, de l’Union européenne et de la Ligue arabe. Sur le terrain, la croissance des colonies israéliennes en Cisjordanie se poursuit sans relâche. L’ensemble de ces éléments sont des obstacles majeurs au processus de paix, rendant la voie vers une solution pacifique à deux États, avec un État palestinien indépendant, souverain et contigu vivant en bon voisinage avec Israël encore plus difficile à tracer. Sous le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, il y a eu une expansion sans précédent des colonies et des avant-postes, mais aussi la démolition de maisons palestiniennes en Cisjordanie. Il y a actuellement environ 700 000 colons répartis dans 235 blocs de colonies. La Knesset a adopté un nombre sans cesse croissant de lois qui ont érodé la distinction juridique entre Israël et la Cisjordanie, au point que l’ONG israélienne Breaking the Silence en arrive à la conclusion qu’il existe « une réalité d’un seul État, avec un régime discriminatoire » vis-à-vis des Palestiniens de Cisjordanie.

Cette situation s’est aggravée depuis que, dans le cadre du « Plan américain pour le Moyen-Orient » du président Trump, les politiques d’annexion de la Cisjordanie ont été incluses dans l’accord de coalition du nouveau gouvernement israélien. Le Premier ministre Netanyahu est ainsi autorisé à initier une législation pour « appliquer la souveraineté [israélienne] » à des parties des territoires palestiniens occupés, à partir du 1er juillet 2020. L’accord de coalition précise que les plans d’annexion peuvent être proposés par le Premier ministre via le cabinet ou la Knesset, sans droit de veto pour les partenaires de la coalition, et ne peuvent être retardés à la Knesset. Une telle annexion pourrait concerner jusqu’à 30 % du territoire de la Cisjordanie, y compris les colonies israéliennes et la vallée du Jourdain, laissant potentiellement un territoire d’enclaves fragmentées.

 

2.

L’annexion (de facto et de jure) est strictement interdite par le droit international et constitue une violation de la Charte des Nations unies et des Conventions de Genève. L’acquisition de territoire par la force a été déclarée inadmissible par un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans ce cadre, il existe une obligation légale pour les tiers de s’abstenir d’actes pouvant servir à reconnaître la situation illégale résultant de l’annexion et une obligation positive de coopérer avec d’autres États pour chercher à mettre fin à une telle situation illégale par des moyens légaux.

À de rares exceptions près, la communauté internationale a été très majoritairement unie dans son appel à Israël à ne pas procéder à l’annexion. Les quatre membres actuels de l’Union européenne au sein du Conseil de sécurité des Nations unies se sont prononcés contre l’annexion. Alors que l’Autriche et la Hongrie ont bloqué une déclaration commune au niveau de l’Union européenne (le gouvernement autrichien a néanmoins condamné une éventuelle annexion), le Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a averti que l’annexion constituerait une grave violation du droit international et que l’Union européenne ne laisserait pas passer cela les bras croisés. Les États arabes, y compris les États qui coopèrent ouvertement ou discrètement avec Israël comme la Jordanie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, ont fait pression pour dissuader Israël d’agir, mettant en garde contre le risque de déstabilisation majeure dans la région.

 

3.

Si l’annexion de la Cisjordanie se réalisait, les conséquences juridiques pour les Palestinien·ne·s touché·e·s s’aggraveraient probablement. Nous craignons qu’ils et elles puissent devenir officiellement des sujets israéliens, sans se voir offrir pour autant les pleins droits de citoyenneté. Ils et elles pourraient aussi être exposés à des démolitions de maisons, des expulsions ou d’autres actes de discrimination légale. L’expansion des colonies dans les zones annexées serait plus que probable. D’autres Palestinien·ne·s vivant encore dans la partie non annexée verraient leurs moyens de subsistance se détériorer en termes de liberté de mouvement, de propriété, d’accès à la terre et aux ressources naturelles. En cas d’effondrement ou de dissolution de l’Autorité palestinienne, on ne sait pas très bien comment Israël traiterait l’obligation d’administrer directement les territoires occupés. Une telle évolution pourrait très probablement entraîner une aggravation de la situation en matière de sécurité.

 

4.

La réalisation des plans d’annexion pourrait compromettre de façon irréversible une future solution à deux États dont les frontières suivraient le statu quo d’avant la guerre de 1967 (avec d’éventuelles modifications convenues d’un commun accord dans le cadre d’une résolution finale du conflit). Cette solution à deux États est, depuis longtemps, l’objectif central des efforts internationaux de résolution des conflits, que l’Union européenne préconise également de manière constante. Cet objectif a été fondé sur l’hypothèse qu’il s’agirait de la solution la plus efficace, sinon la seule viable, pour garantir la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et une paix et une sécurité durables pour toutes et tous. Le Fatah et l’Autorité palestinienne ont approuvé la solution à deux États depuis les années 1980. Dans le cadre de l’accord d’Oslo de 1993, les Israélien·ne·s et les Palestinien·ne·s ont convenu d’un plan pour mettre en œuvre la solution à deux États dans un processus échelonné sur 5 ans. L’Initiative de Paix Arabe de 2002 a approuvé la solution à deux États et a proposé la normalisation des relations entre les États arabes et Israël en échange du retrait total d’Israël des territoires occupés et d’un règlement juste de la question des réfugié·e·s. Mais le Premier ministre Netanyahu a bien fait comprendre qu’il ne voulait pas d’une solution à deux États. Et la politique d’annexion pourrait être l’instrument qui rendra cette solution effectivement impossible.

 

5.

L’Union européenne et Israël entretiennent des relations institutionnellement étroites et globales. Elle a toujours soutenu le droit d’Israël à vivre en paix avec ses voisins, dans des frontières sûres. L’Union européenne est le principal partenaire commercial d’Israël (1/3 des échanges commerciaux d’Israël ; elle importe d’Israël des biens et des services pour une valeur d’environ 15 milliards d’euros ; elle importe 15 fois plus de biens des colonies israéliennes – sans tarifs préférentiels – que les Palestinien·ne·s du même territoire). Au cours des dix dernières années, l’Union européenne et Israël ont signé sept nouveaux accords sur le commerce, l’agriculture, l’aviation, la recherche, la culture, la coopération transfrontalière et la coopération policière. L’initiative Horizon 2020, qu’elle finance, est la deuxième source publique de financement de la recherche en Israël, et ce pays a été un bénéficiaire net de 140 millions d’euros sur la durée du programme (2013-2020). L’agence de financement de l’Union européenne, le Fonds européen d’investissement, soutient les PME technologiques israéliennes grâce à des programmes de garantie de prêts (d’une valeur de 600 millions d’euros en 2019). Israël bénéficie d’un quart des fonds Erasmus+ pour la région du sud de la Méditerranée.

La politique de l’Union européenne à l’égard d’Israël dans le cadre du processus de paix a souvent été marquée par de profondes divisions internes. Comme les décisions communes requièrent l’unanimité des 27 États membres, elle a souvent été bloquée par des désaccords. Mais, en même temps, la Commission et le Service européen d’action extérieure disposent d’une certaine marge de manœuvre sur la base des décisions du Conseil des affaires étrangères et de la législation de l’Union européenne. Cela inclut, par exemple, l’application stricte de l’obligation légale de mettre en œuvre la politique de différenciation entre Israël et les territoires annexés/occupés, qui est actuellement loin d’être appliquée de manière efficace. Bien entendu, il existe également une marge de manœuvre pour l’action des différents États membres, en particulier si elle est coordonnée entre un groupe de capitales partageant les mêmes idées. Mais la possibilité pour l’Union européenne d’être un acteur crédible sur le terrain dépend de sa capacité à élaborer une position unie.

 

6.

Le groupe Verts/ALE s’oppose à toute annexion israélienne du territoire palestinien. Nous partageons le message de la lettre initiée par Avraham Burg, l’ancien président de la Knesset israélienne, qui s’oppose à l’annexion et préconise une réponse « adéquate » au cas où elle se poursuivrait. Si Israël décidait d’agir en faveur d’une nouvelle annexion, l’Union européenne devrait montrer la volonté et la capacité d’apporter une réponse à la hauteur de l’importance de cet événement, en accord avec ses propres principes de politique étrangère et en agissant de manière unie afin de renforcer l’impact de sa politique.

En tant qu’écologistes, nos principes dans le traitement de cette question sont basés sur notre engagement en faveur du droit international et d’une solution viable à deux États, y compris la réalisation des aspirations à l’indépendance palestinienne, la sécurité d’Israël et de la Palestine, ainsi que la justice, les droits humains, la paix et la sécurité pour l’ensemble de la région. La responsabilité historique européenne implique qu’Israël, en tant que patrie des Juifs, garantisse l’égalité des droits de tou·te·s ses citoyen·ne·s ainsi que le respect des droits de tous les peuples de la région – Juifs et Arabes. Nous voulons une solution pacifique, basée sur un accord bilatéral, avec des garanties internationales, reconnaissant l’autodétermination des peuples (tant le peuple juif que le peuple palestinien), ainsi que la coexistence pacifique. Nous rejetons toute politique prônant la pratique de deux poids, deux mesures ou la discrimination. Nous préconisons une action décisive et unie pour empêcher toute mesure illégale.

La prolongation du statu quo n’étant pas une option, tous les moyens politiques et diplomatiques devraient être utilisés pour remettre la solution à deux États sur les rails. En cas d’annexion, nous préconisons les politiques suivantes. L’Union européenne devrait :

  • réagir avec force sur les plans publics et diplomatique, en exposant les mesures à prendre à son niveau ; promouvoir la responsabilité en soutenant ou en lançant une solide résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ;

  • réfléchir à des stratégies et des politiques de l’Union européenne pour renouveler les efforts en vue de la solution à deux États, y compris une stratégie coordonnée des États membres pour la reconnaissance de l’État palestinien ;

  • envisager des mesures ciblées de l’Union européenne contre les personnes qui, en Israël, dirigent la planification et la mise en œuvre de l’annexion, ainsi que l’expansion des colonies en Cisjordanie ;

  • geler les nouvelles initiatives visant à améliorer les relations entre l’Union et Israël ;

  • procéder à un examen complet, sous la direction du Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, des relations de l’Union européenne avec Israël et à une évaluation des implications juridiques et politiques de l’annexion, notamment en ce qui concerne l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël ;

  • entreprendre un examen du commerce entre l’Union européenne et Israël : adopter une politique de différenciation efficace et mise en œuvre de façon stricte qui fait la distinction entre Israël proprement dit et les territoires annexés et occupés, conformément à la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies et à la politique de l’Union européenne ; empêcher également les opérateurs basés dans l’Union européenne de faire des affaires avec et dans les colonies illégales des territoires annexés ; adopter un avis consultatif aux entreprises au niveau de l’Union européenne sur le commerce avec Israël ;

  • veiller à ce que l’aide bilatérale de l’Union européenne à Israël, y compris les programmes existants (Horizon 2020, jumelage et coopération transfrontalière) et les autres programmes qu’elle finance (Fonds européen d’investissement, Banque européenne d’investissement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement), soit conforme au droit international et au droit de l’Union ;

  • défendre la Cour pénale internationale et insister pour que l’Union européenne continue à soutenir son travail d’enquête sur les violations potentielles du Statut de Rome ;

  • renforcer l’assistance de l’Union à la société civile israélienne, notamment à celles et ceux qui défendent l’égalité des droits et qui documentent les violations des droits humains ; renforcer l’assistance de l’Union aux droits et aux moyens de subsistance des Palestinien·ne·s en Israël, dans les territoires annexés et dans les enclaves isolées.

Nous sommes pleinement conscients qu’une solution pacifique du conflit de longue date entre Israël et les Palestiniens exige plus qu’un renversement des politiques de colonisation et la prévention des annexions israéliennes. Elle exige également des mesures positives du côté palestinien, mais rien ne justifie la poursuite des violations flagrantes du droit international et des droits humains par Israël. Si l’annexion progresse maintenant, le conflit pourrait être cimenté pour de nombreuses générations.

 

 

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