Accord du Conseil sur les fonds alternatifs : une régulation en trompe l’œil

18 mai 2010
Après le vote hier par la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le Conseil des ministres européens des finances (ECOFIN) a trouvé aujourd’hui un accord sur la directive fonds alternatifs. Pascal Canfin analyse les principales différences entre les deux textes.

Que vont devenir les fonds gérés depuis Londres et situés aux Iles Caymans ?

Dans la version du Conseil, ces fonds seront toujours commercialisés au Royaume-Uni et donc accessibles à l’ensemble des investisseurs institutionnels européens via leurs filiales britanniques. Aucune obligation supplémentaire ne portera sur les pays où les fonds sont localisés (Iles Caymans…). En assurant le statu quo sur l’essentiel du business des fonds, ceux gérés depuis Londres et ceux situés offshore, le compromis du Conseil est en fait une régulation en trompe l’œil.

Dans la version du Parlement, ces fonds bénéficieront du passeport européen seulement si le gestionnaire respecte l’intégralité de la directive (levier, transparence, rémunération…) ET si le pays où le fonds est localisé respecte des standards supérieurs aux standards internationaux. Sur le plan fiscal par exemple le pays devra non seulement avoir signé la convention fiscale OCDE mais aussi assurer un « échange effectif d’informations ». Sur le plan prudentiel, il devra garantir « que toutes les informations nécessaires à la surveillance efficace du fonds seront partagées » avec le régulateur en Europe. Une condition qui va bien au-delà du standard international défini par IOSCO (organisation internatinale de régulateurs). En conclusion, la version du Parlement impose de nouvelles contraintes aux paradis fiscaux, ce qui n’est pas le cas de l’accord version Conseil.

Que risquent les investisseurs institutionnels qui continueraient d’investir dans des fonds non autorisés en Europe ?

Dans la version du Conseil, ces investisseurs restent libres d’investir là où ils le souhaitent même dans les pays qui ne respectent aucune règle internationale (standard IOSCO, standard OCDE…). Au contraire le Parlement met hors jeu les fonds situés dans ces zones de non droit en interdisant aux investisseurs européens d’acquérir des parts de fonds dans ces pays.

Quelle est la position britannique ?

Le gouvernement du Royaume-Uni a refusé le compromis du Conseil tout en acceptant politiquement qu’il soit voté. Au Parlement, les députés libéraux, conservateurs britanniques et un travailliste ont voté contre le texte soutenu par le parti populaire européen, les socialistes et les verts avec l’abstention de la GUE.

Les obligations contenues dans la directive sont-elles plus contraignantes dans la version du Conseil ?

Dans la version du Parlement, le régulateur européen a la possibilité à tout moment de contrôler le levier d’endettement utilisé par les fonds et de fixer une limite plus exigeante que celle sur laquelle le gestionnaire et l’investisseur se sont mis d’accord. Dans la version du Conseil, ce pouvoir n’existe pas. Les régulateurs nationaux, et non le régulateur européen, peuvent limiter le levier uniquement en cas de circonstances exceptionnelles.

Par ailleurs, le Conseil a maintenu un seuil qui exclut une partie des fonds du champ de la directive alors que le Parlement n’a pas prévu d’exclusion totale de la directive mais des exclusions partielles liées à des situations particulières de certains fonds nationaux (fonds spéciaux allemands, etc..).

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.