Plan de relance du Conseil : explications

Jeudi, en plénière, les député·e·s européen·ne·s ont adopté une résolution en réponse à la proposition de budget et de plan de relance faite par le Conseil. Cette résolution a été cosignée par cinq des sept groupes du Parlement européen. Voici pourquoi les député·e·s Europe écologie ont voté pour.

La mutualisation de la dette qui est proposée dans l’accord trouvé au Conseil est une avancée historique que nous appelons de nos voeux depuis longtemps : c’est le début d’une véritable solidarité entre les États membres. Pour autant, comme nous l’avons dit ici, l’accord est bien loin de ce que les écologistes européen·ne·s proposaient et de ce que le Parlement européen demandait. C’est pourquoi, la résolution qui a été adoptée jeudi est très critique vis-à-vis de cet l’accord qui reste loin de ce qui est nécessaire pour protéger les Européen·ne·s. Initiée par notre groupe, elle contient nos principales revendications.

Les négociations  au Conseil ont révélé l’égoïsme et l’aveuglement des gouvernements au détriment de la solidarité et de l’ambition pour le climat. Si, dès avril, les groupes politiques au Parlement européen se sont accordés sur une proposition réaliste, le Conseil a, lui, raté rate son rendez-vous avec l’histoire.

Certes, un fonds de relance basé sur l’émission d’une dette commune par la Commission, c’est inédit : pour la première fois de l’histoire de l’Union européenne, de l’argent va être transféré aux États en fonction de leurs besoins et le remboursement sera réparti sur les 27 États membres. Pour autant, les États membres ont campé sur leurs positions nationales. Le Conseil n’a pas su faire de ce plan un instrument de financement massif des économies européennes. Volume insuffisant, coupes dans le budget européen : les effets sur les économies des États seront limités. C’est pourtant la stabilité économique, sociale et politique de l’Union européenne qui est en jeu. Sans solidarité budgétaire, les inégalités entre États vont s’aggraver et déstabiliser l’Union. Le groupe des pays dits “frugaux” (Pays-Bas, Autriche, Suède, Danemark) se sont opposés à une solidarité budgétaire : la part du plan de relance sous forme de subventions est réduite à 390 milliards (au lieu de 500 initialement et des 1000 milliards demandés par le Parlement).

Taxe sur les géants du numérique, sur les transactions financières, ou encore sur le carbone, etc., augmenter les ressources propres de l’Union européenne est essentiel pour lui donner les moyens d’agir. Écoutez les explications de David Cormand.

Les augmentations budgétaires prévues pour de nouveaux programmes sont supprimées. Le Fonds de transition juste, si important pour faire la transition écologique en préservant les emplois, passerait de 40 à 10 milliards ! Pour en savoir plus sur ce fonds, regardez ce webinaire avec Mounir Satouri, Henrike Hann, députée européenne écologiste allemande, et le maire EELV de Loos-en-Gohelle, Jean-François Caron.

Il y aurait également des coupes dans les domaines si importants de la santé ou de la recherche. Certains programmes comme l’Instrument de soutien à la solvabilité (SSI) disparaissent simplement.

En mai, la Commission avait proposé un nouveau programme, autonome et ambitieux, en matière de santé : #EU4Health. Censé apporter une contribution significative à la relance post-COVID-19 en prenant soin de la santé de la population de l’Union européenne, en améliorant la résilience des systèmes de santé et l’innovation dans le secteur de la santé, il devait combler les lacunes révélées par la crise de la COVID-19 et garantir la résistance des systèmes de santé de l’UE aux menaces sanitaires. Dans ce plan de relance, nécessaire suite à une pandémie, ce programme a été raboté, passant de 9,4 à 1,6 milliards.

L’Europe de l’innovation aurait pu faire un pas de géant, mais le programme Horizon Europe n’a pas bénéficié du coup de pouce espéré : l’ambition initiale du plan de relance de l’augmenter de 15 milliards a finalement été divisée par 3.

Le second pilier de la Politique agricole commune (PAC), consacré au développement rural a été amputé de la moitié de son budget de relance le rendant insuffisant pour atteindre les objectifs des stratégies “biodiversité” et de la “ferme à la fourchette”.

30% du plan de relance est fléché pour le climat, mais les critères de sélection sont flous. On ne sait pas comment la Commission déterminera si un projet respecte le principe « do no harm », c’est à dire qui ne soit pas néfaste pour la planète et ses habitant·e·s.

Le fonds de relance s’appelle #NextGenerationEU, pourtant, tout ce qui concerne les générations futures a été raboté : le fonds de transition juste, la garantie pour l’enfance, Erasmus +, Horizon Europe etc.

Les pays « frugaux » ont également obtenu des rabais supplémentaires à leur contribution au budget européen (quasiment 900 millions qui manqueront au budget de l’Union européenne chaque année). Surtout, les Pays-bas, paradis fiscal au sein de l’Union, ont obtenu que les fonds ne soient débloqués qu’après un examen des plans de relance nationaux par la Commission européenne et l’approbation par le Conseil à la majorité qualifiée. Un ou plusieurs États membres pourront activer un “frein d’urgence” déclenchant une procédure de contrôle des dépenses publiques des États, si, selon eux, celles-ci semblent dévier des plans nationaux. Comme le dit bien Philippe Lamberts, député européen écologiste belge, les « frugaux », qu’il appelle lui « les radins », bénéficient économiquement de l’Union européenne. Ils se tirent une balle dans le pied en refusant la solidarité. Leurs économies sont dépendantes de celles des pays voisins. Si la relance était insuffisante, ils en souffriront.

Plusieurs pays, notamment la Hongrie et la Pologne, ont négocié pour empêcher la mise en place d’un mécanisme de protection de l’État de droit contraignant : plus rien ne garantit que l’argent sera utilisé pour celles et ceux qui en ont le plus besoin. Pourtant, le respect de l’État de droit et des libertés font partie des valeurs de l’Europe et ces États se sont engagés à les respecter lors de leur adhésion à l’Union européenne.

En bref, les eurodéputé·e·s écologistes regrettent l’absence de vision du Conseil. Il n’est pas réaliste de prétendre sortir l’Union européenne de la crise avec des prêts et de l’endettement. Le fardeau doit être partagé pour être supportable pour tou·te·s et la relance doit préparer l’avenir.

Cette motion lance le début de nouvelles négociations avec le Conseil et la Commission (appelées « trilogues ») pour arriver à un compromis acceptable sur le plan de relance et le budget. L’approbation du budget par le Parlement européen est requise pour qu’il soit adopté et, en l’état, le Parlement est prêt à voter contre s’il n’obtient pas satisfaction.

 

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